Il sera désormais un peu plus facile, en théorie, pour un emprunteur de changer d’assurance de prêt immobilier, même s’il a souscrit son crédit voici plusieurs années ! Mode d’emploi de ce dispositif qui vous permet de gagner des milliers d’euros.

1 - Qu'est-ce qui vient de changer ?

Lorsque vous souscrivez un prêt immobilier, vous devez prendre, dans presque tous les cas, une assurance emprunteur. Celle-ci pourra rembourser vos mensualités en cas de pépins (maladie, décès, voire chômage). Une assurance qui représente souvent un coût égal voire supérieur aux intérêts du capital à rembourser.

Depuis 2010, le législateur a tenté à plusieurs reprises de permettre à l'emprunteur de choisir l’assurance de son choix. Précédemment, l’assurance de la banque qui octroie le crédit était quasi systématiquement imposée. Depuis, il est censé pouvoir opter plus facilement pour une autre assurance moins chère et présentant des garanties équivalentes à celles proposées par la banque. Il est possible de changer son assurance de prêt à tout moment, pendant la 1ère année de son crédit, en respectant un préavis de 15 jours maximum avant la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt. Une faculté de résilisation qui se répète chaque année à la date anniversaire du contrat.

Problème, malgré ces évolutions, le système reste grippé. 87,5% des contrats d’assurance emprunteurs demeurent souscrits auprès d’établissements bancaires, dont les pratiques abusives pour retenir leurs clients sont régulièrement dénoncées. Il faut dire que le marché est alléchant : sur les 6 millions de particuliers détenteurs d'un crédit immobilier, il génère environ 6 milliards d'euros de cotisations d'assurances par an.

C’est ce qui a amené les parlementaires à voter définitivement, la semaine dernière, plusieurs nouveautés dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'Accélération et la Simplification de l’Action Publique (ASAP). La plus importante, a priori, c’est l’obligation pour l'assureur d’informer « chaque année » l'assuré sur « un support papier ou durable » de son droit de résiliation et de ses modalités. S’il ne respecte pas cette obligation d’information, l’assureur s’expose à une amende administrative pouvant s'élever jusqu’à 3 000 euros pour une personne physique ou 15 000 euros pour une personne morale.

2 - A quel moment réclamer le changement à sa banque ?

Le « droit de résiliation annuel » prévu par la loi ne permet pas de résilier son assurance à n’importe quel moment, mais uniquement une fois par an. A quelle date ? Face à des pratiques très différentes, les parlementaires viennent de préciser les choses. Désormais, la date d'échéance pour une résiliation de contrat est la date d'anniversaire de signature de l’offre de prêt ou « toute autre date d'échéance prévue au contrat ».

Dès que la banque reçoit l’offre de prêt signée, elle doit communiquer à l’emprunteur la date de signature de cette offre sur un support papier ou autre support durable (électronique). Cette date doit aussi être mentionnée sur tous les documents mis à disposition de l’emprunteur, relatifs à son prêt. Une avancée certaine puisque selon le courtier Magnolia, la date de la signature de l’offre de prêt est très difficilement trouvable par les emprunteurs et lorsqu’ils la réclament à la banque, « celle-ci peut mettre jusqu’à 2 mois pour lui communiquer ».

Une fois que vous identifiez l’échéance annuelle du contrat, il faut anticiper la demande de substitution puisque le Code des assurances prévoit un préavis de 2 mois minimum avant cette date d'échéance. La demande prend la forme d'une lettre recommandée de demande de résiliation et de substitution de l’assurance emprunteur. Pour ne pas rater le coche, mieux vaut donc « s’y prendre le plus tôt possible ».

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3 - La substitution est-elle toujours acceptée ?

Pour qu’une substitution d'assurance soit acceptée, elle doit présenter des quotités et garanties au moins équivalentes à celles réclamées par la banque. Or, les refus ne sont pas rares. « Les établissements prêteurs usent de très nombreuses manœuvres dilatoires pour empêcher leurs clients d’aller au bout de leur demande : problème de capital restant dû, de durée restante, il manque un papier qui se trouve bien dans le courrier, les garanties ne sont pas équivalentes alors qu’elles le sont, demande de frais de résiliation… », dénonce Magnolia qui évalue le taux de refus à 15%... quand les banques répondent. « Dans un cas sur trois, la banque ne répond pas à notre demande », constate Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.

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« En dépit de la volonté du législateur d’ouvrir ce marché, les banques usent encore aujourd’hui de nombreuses pratiques dilatoires pour entraver les changements d’assurance, comme la non réponse ou la réponse tardive aux demandes des emprunteurs (50% de réponses hors délais légaux), les réponses incomplètes, demandes de pièces injustifiées, mais aussi le refus d’informer les emprunteurs de la date d’échéance de leur contrat, condition nécessaire à la mise en œuvre de leur droit d’en changer », abonde Securimut, filiale de la Macif dédiée au changement d'assurance emprunteur.

4 - Qui envoie la demande ?

Dans les faits, l'usager bancaire ne gère pas cette demande de résiliation-substitution en direct : il contacte un assureur alternatif ou un courtier. C'est lui qui va s'assurer que le contrat alternatif est conforme au niveau des équivalences de garanties, puis qui va prendre en charge la procédure : rédaction et envoi de la lettre recommandée, échange avec la banque prêteuse...

5 - Est-ce financièrement intéressant pour tous les emprunteurs ?

Impossible d'affirmer que l'assurance déléguée est plus intéressante dans tous les cas. Mais selon Magnolia, en moyenne, les banques pratiquent des tarifs 2 à 3 fois supérieurs à la concurrence. D’après un comparatif réalisé par l’UFC-Que Choisir, pour un crédit de 250 000 euros sur 20 ans, les économies réalisées en changeant d’assurance peuvent aller de 6 000 à 15 000 euros selon le profil de l’emprunteur.

6 - Vers une résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur ?

Coup de théâtre lors de l’examen du projet de loi ASAP à l’Assemblée nationale début octobre. Contre l'avis du gouvernement qui craignait une hausse du coût de l’assurance, la députée Patricia Lemoine, avec sa collègue Laure de La Raudière, ont réussi à faire adopter un amendement afin de permettre aux emprunteurs de changer d'assureur « à tout moment », et ce sans attendre la date anniversaire de leur contrat. La mesure a finalement été retoquée au tout dernier moment lors du compromis signé entre les députés et les sénateurs en commission mixte paritaire (CMP).

Une sérieuse déception pour Alain Bazot, le président de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir : « Les parlementaires ont, fièrement, instauré une simple information annuelle sur le droit à la résiliation. Il faudrait faire preuve d’une naïveté inouïe (ou d’une terrible mauvaise foi, c’est selon) pour croire que cette mesure réussira là où les précédentes ont échoué. En effet, née de tractations que les marchands de tapis ne renieraient pas, elle est déjà bien mal calibrée… Le moment de l’envoi de l’information est laissé à la discrétion des professionnels… qui n’ont, bien sûr, aucun intérêt à l’envoyer en temps utile ». Quant à la sanction prévue en cas de non-respect de cette obligation, à savoir une amende jusqu’à 15 000 euros, « c’est de la poudre aux yeux » pour un fin connaisseur du dossier : « Une banque se moque de devoir payer une telle somme au regard des enjeux de ce marché. »

Résultat, pour Alain Bazot, « cette nouvelle mesure ne fera pas sauter le cadenas de l’assurance emprunteur. Pour cela, la résiliation à tout moment, que l’UFC-Que Choisir promeut et défend ardemment, est l’antidote idoine ». Bonne nouvelle pour lui et les consommateurs, la députée Patricia Lemoine, dans une interview à MoneyVox, indique vouloir remonter au front : « Je n’ai pas du tout l’intention de baisser les bras. Vous pouvez compter sur ma pugnacité pour essayer de faire adopter prochainement cette résiliation à tout moment. »