Le Conseil constitutionnel a validé la « loi Bourquin », qui permet à tous les emprunteurs de changer d’assurance de prêt, chaque année. Déboutées, les banques ont pris acte de la décision. Les assureurs alternatifs, eux, se frottent les mains.

C’est officiel : tout particulier remboursant un prêt immobilier peut désormais changer d’assurance emprunteur, même s’il a signé son contrat voici plusieurs années. Cette mesure, portée par « l’amendement Bourquin » de la loi du 21 février, est entrée en vigueur au 1er janvier 2018. Mais elle restait soumise à une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, suite à l’action de la Fédération bancaire française (FBF) et de leurs filiales d’assurance auprès du Conseil d’Etat. Ce dernier a alors renvoyé l’affaire devant les Sages via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict ce vendredi matin : « L’ensemble des dispositions contestées sont ainsi jugées conformes à la constitution. » Les Sages donnent ainsi le feu vert aux emprunteurs s’ils souhaitent changer d’assurance de prêt dès à présent.

Mode d'emploi : comment faire pour changer d'assurance emprunteur ?

Les Sages optent pour « l’intérêt général »

A ce jour, 85% des assurances de prêt immobilier sont souscrites directement auprès de la banque prêteuse, laquelle passe généralement par la société d’assurance filiale du groupe. Face au Conseil constitutionnel, le secteur bancaire avait concentré ses arguments sur l’aspect rétroactif de l’amendement Bourquin, en permettant à tous les emprunteurs de changer d’assurance, y compris ceux ayant signé leur contrat avant l’adoption de la loi.

Les Sages ne leur ont pas donné raison, en mettant en avant « l’intérêt général » d'une telle rétroactivité : « En appliquant ce droit de résiliation aux contrats en cours, le législateur a voulu, compte tenu de la longue durée de ces contrats, que cette réforme puisse profiter au grand nombre des emprunteurs ayant déjà conclu un contrat d'assurance collectif. » Ainsi déboutée par le Conseil constitutionnel, la FBF a pris acte de la décision dans un communiqué succinct. La Fédération française de l’assurance (FFA), discrète sur le sujet ces derniers mois puisque représentant aussi bien les assureurs bancaires que les assureurs alternatifs, n'a pas encore réagi.

Les assureurs seront « attentifs » à l’application de la loi

En revanche, Allianz, Aviva, Covéa (Maaf, GMF et MMA), Macif, MACSF, Maif et Swiss Life se félicitent dans un communiqué commun d'un « progrès majeur » pour les « 6 millions de foyers déjà détenteurs d’un crédit immobilier » et pour les futurs emprunteurs. Ils affirment en outre qu'ils seront « particulièrement attentifs aux conditions d’application de la loi, afin qu’une saine concurrence garantisse à chaque assuré le bénéfice de la meilleure garantie au meilleur prix, en fonction de ses besoins ». Ces sept assureurs font ainsi référence aux « pratiques » ayant cours dans les banques pour « ralentir » ou « limiter » les demandes d’assurance emprunteur alternatives, comme l’a récemment pointé le gendarme bancaire, l’ACPR.

Dans son communiqué, la CLCV appuie elle aussi sur la mise en œuvre de cette résiliation-substitution annuelle : l'association « appelle les autorités à davantage de contrôles face aux obstacles que rencontrent les consommateurs qui veulent opter pour une assurance emprunteur alternative et se voient opposer un refus des banques au motif d’une prétendue non-équivalence des garanties ». Comme la CLCV, l'UFC-Que Choisir s'est logiquement félicité d'une « décision salutaire ».

Un raz-de-marée à prévoir ?

Plusieurs sondages réalisés par des courtiers en assurance et en crédits immobiliers soulignent qu'une majorité d'emprunteurs se disent prêts à faire jouer la concurrence sur l’assurance emprunteur pour réaliser des économies, tout en avouant leur méconnaissance sur le sujet. « Tout le monde est dans les starting-blocks », reconnaît Jacky Guerrée, responsable marché assurances de la Centrale du financement. De nombreux courtiers et assureurs ont en effet dressé un plan de communication, et ils attendaient uniquement le feu vert du Conseil constitutionnel pour l’enclencher.

Pour autant, Jean-Michel Courtant, le directeur développement et marketing de Macif Mutualité, qui exerce sur le marché de l’assurance emprunteur depuis 2008, ne croit pas à une révolution : « L’amendement Bourquin va sensibiliser le grand public sur le changement d’assurance emprunteur mais on ne s’attend pas à un raz-de-marée : l’assurance est un métier qui s’inscrit sur le long terme. » Pour lui, la « domination » des banques sur ce marché, ne sera pas immédiatement remise en cause.

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