En plus des traditionnels agios, une banque française sur deux facture un « minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs », qui fait s’envoler le prix des découverts, même autorisés. Ce qu’il faut savoir sur cette pratique légale mais discutable.

Lorsqu’il s’agit de facturer les découverts à leurs clients, la créativité des banques de détail mérite d’être soulignée. Il y a bien sûr la mise en place de l’autorisation de découvert, souvent payante et parfois très chère ; les intérêts débiteurs (ou agios), plus ou moins salés selon les banques ; les commissions d’intervention en cas de dépassement de découvert autorisé ; et toute une série de lignes tarifaires sanctionnant les incidents de paiement qui s'ensuivent : forfaits de rejet de chèque ou de prélèvement, lettres d’information, notifications Banque de France…

Plus discrètement, de nombreuses banques appliquent une autre ligne tarifaire liée à l’utilisation du découvert : le minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs, qu’on retrouve aussi parfois sous le nom de « montant minimum forfaitaire trimestriel », de « perception forfaitaire », de « frais fixes sur calcul d’intérêts débiteurs » ou encore de « commission minimum forfaitaire d’utilisation » (1).

En quoi consiste ce minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs ? Rares sont les brochures tarifaires qui l’expliquent clairement. C’est pourtant assez simple : il s’agit du prix minimum que vous paierez si votre compte courant passe dans le rouge, indépendamment de la durée et du montant du découvert.

Un exemple pour rendre cela plus concret. Ce mois-ci, vous avez dépensé un peu plus que d’habitude et exceptionnellement, votre compte bancaire passe dans le rouge en fin de mois : 350 euros par jour en moyenne, pendant 6 jours. Rien de bien grave : votre banque vous a accordé une autorisation de découvert de 1 000 euros. Vous allez néanmoins payer quelques agios, au taux débiteur appliqué par votre banque : 14%. Soit environ 80 centimes d’euros.

Mauvaise surprise : ce sont en fait 5 euros que votre banque vous prélève pour ce petit passage dans le rouge. Pourquoi ? Parce qu’elle applique un minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs. Finalement, le taux effectivement appliqué à ce découvert atteint les 87%, soit très, très au-dessus du taux d’usure, le plafond légal pour ce type de crédit (21,16% actuellement).

Une ligne tarifaire largement diffusée

Ces « surfacturations » des petits découverts ne sont pas rares. Pour s’en rendre compte, nous avons fait le tour des brochures tarifaires des 122 banques suivies par notre comparateur de tarifs bancaires. Verdict : elles sont 62 au total à facturer ce minimum forfaitaire, à des prix très variables. Si l’essentiel du marché se retrouve autour de 5 euros, certaines enseignes sont beaucoup plus gourmandes et dépassent allègrement les 10 euros. Finalement, l’écart entre la banque la moins chère et la plus chère sur ce critère est abyssal : de 1 à 15 entre La Banque Postale (1,50 euros par trimestre) et la Banque Populaire Occitane (22 euros) !

BanquesPrix (au 8 janvier 2021)
Banques Populaires
11 banques sur 12
de 3 à 22 €
par trimestre selon les caisses
BNP Paribas7 €
par trimestre
Caisses d'Epargne
16 caisses sur 17
De 3 à 5 €
par trimestre selon les caisses
CIC5 €
par trimestre
Crédit Agricole
8 caisses sur 39
De 1,50 à 10,05 €
par mois selon les caisses
Crédit du Nord
6,20 €
par arrêté
Crédit Mutuel
5 fédérations sur 18
De 4 à 13,50 €
par trimestre selon les caisses
Hello Bank
4,50 €
par trimestre
HSBC5 € par mois
ou 10 € par trimestre
ING
2 €
par mois
La Banque Postale
1,50 €
par trimestre
Société Générale
7 €
par trimestre
Le détail par établissement
BanquePrix
Allianz BanqueNon facturé
Axa BanqueNon facturé
Banque Chalus3 € par trimestre
(à partir de 4 jours débiteurs)
Banque Courtois6,20 € par arrêté
Banque de Savoie7,30 € par trimestre
Banque Dupuy de ParsevalNon facturé
Banque Kolb6,20 € par arrêté
Banque Laydernier6,20 € par arrêté
Banque Nuger6,20 € par arrêté
Banque PalatineNon facturé
Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne15 € par trimestre
Banque Populaire Aquitaine Centre AtlantiqueNon facturé
Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes9 € par trimestre
Banque Populaire Bourgogne Franche Comté13 € par trimestre
Banque Populaire Grand Ouest6 € par trimestre
Banque Populaire Méditerranée10 € par trimestre
Banque Populaire du Nord9,90 € par trimestre
Banque Populaire Occitane22 €
Banque Populaire Rives de Paris5 €
Banque Populaire du Sud12,50 € par trimestre
Banque Populaire Val de France5 €
Banque Rhone Alpes6,20 € par arrêté
Banque Tarneaud6,20 € par arrêté
Banque Française Commerciale Océan Indien5,80 €
BforBankNon facturé
BNP Paribas (et Antilles Guyane)7 € par trimestre
Boursorama BanqueNon facturé
BRED Banque Populaire (et Outre-Mer)3 € par trimestre
Caisse d'Epargne Guadeloupe Martinique4 € par trimestre
Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou-Charentes4 € par trimestre
Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin5 € par trimestre
Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche-Comté4,50 € par trimestre
Caisse d'Epargne Bretagne Pays de Loire3,50 € par trimestre
Caisse d'Epargne Côte d'Azur3,50 € par trimestre
Caisse d'Epargne Grand Est Europe3,50 € par trimestre
Caisse d'Epargne Hauts de France3,60 € par trimestre
Caisse d'Epargne Ile-de-France3 € par trimestre
Caisse d'Epargne Provence-Alpes-Corse (+ Réunion et Mayotte)4 € par trimestre
Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon3,50 € par trimestre
Caisse d'Epargne Loire Drôme ArdècheNon précisé
Caisse d'Epargne Loire-CentreNon facturé
Caisse d'Epargne de Midi-Pyrénées4 € par trimestre
Caisse d'Epargne Normandie5 € par trimestre
Caisse d'Epargne Provence-Alpes-Corse4 € par trimestre
Caisse d'Epargne de Rhône Alpes3,50 € par trimestre
CIC5 € par trimestre
Crédit Agricole Alpes ProvenceNon facturé
Crédit Agricole Alsace VosgesNon facturé
Crédit Agricole de l'Anjou et du MaineNon facturé
Crédit Agricole Aquitaine3 € par trimestre
Crédit Agricole Atlantique VendéeNon facturé
Crédit Agricole Brie PicardieNon facturé
Crédit Agricole Centre France3 € par trimestre
(à partir de 4 jours débiteurs)
Crédit Agricole Centre LoireNon facturé
Crédit Agricole Centre-estNon facturé
Crédit Agricole Centre-OuestNon facturé
Crédit Agricole de Champagne-BourgogneNon précisé
Crédit Agricole Charente-Maritime Deux-Sèvres1,50 € par mois
(à partir de 5 jours débiteurs)
Crédit Agricole Charente-PérigordNon facturé
Crédit Agricole de la CorseNon précisé
Crédit Agricole des Côtes d'ArmorNon facturé
Crédit Agricole du Finistèrede 5,70 € à 10,05 € par mois
(à partir de 5 jours débiteurs selon la durée du découvert)
Crédit Agricole Franche-ComtéNon facturé
Crédit Agricole de GuadeloupeNon facturé
Crédit Agricole de la Martinique et de la Guyane (tarif appliqué en Guyane)Non facturé
Crédit Agricole Ile-de-FranceNon facturé
Crédit Agricole Ille-et-Vilaine3,05 € par trimestre
(à partir de 5 jours débiteurs)
Crédit Agricole de La RéunionNon facturé
Crédit Agricole du LanguedocNon facturé
Crédit Agricole Loire Haute-LoireNon facturé
Crédit Agricole de LorraineNon facturé
Crédit Agricole du MorbihanNon facturé
Crédit Agricole Nord de FranceNon facturé
Crédit Agricole du Nord EstNon facturé
Crédit Agricole Nord Midi-PyrénéesNon facturé
Crédit Agricole Normandiede 5,95 € et 9,80 € par mois
(à partir de 5 jours débiteurs selon la durée du découvert)
Crédit Agricole de Normandie-SeineNon facturé
Crédit Agricole Provence Côte d'AzurNon facturé
Crédit Agricole Pyrénées GascogneNon facturé
Crédit Agricole des SavoieNon facturé
Crédit Agricole Sud MéditerranéeNon facturé
Crédit Agricole Sud Rhône AlpesNon facturé
Crédit Agricole Toulouse 31Non facturé
Crédit Agricole de la Touraine et du PoitouNon facturé
Crédit Agricole Val de FranceNon facturé
Crédit CoopératifNon facturé
Crédit du Nord6,20 € par arrêté
Crédit Maritime Atlantique5 € par trimestre
Crédit Maritime Bretagne-NormandieNon facturé
Crédit Maritime Grand Ouest6 € par trimestre
Crédit Maritime de Méditerranée11,90 € par trimestre
Crédit Mutuel AnjouNon facturé
Crédit Mutuel Antilles-GuyaneNon facturé
Crédit Mutuel de Bretagne4,10 € par trimestre
Crédit Mutuel du Centre13,50 € par trimestre
Crédit Mutuel Centre Est EuropeNon facturé
Crédit Mutuel Dauphiné-VivaraisNon facturé
Crédit Mutuel Île-de-FranceNon facturé
Crédit Mutuel Loire-Atlantique, Centre OuestNon facturé
Crédit Mutuel Maine-Anjou, Basse-NormandieNon facturé
Crédit Mutuel Massif CentralNon facturé
Crédit Mutuel Méditerranéen7,95 € par trimestre
Crédit Mutuel Midi-AtlantiqueNon facturé
Crédit Mutuel Nord EuropeNon facturé
Crédit Mutuel NormandieNon facturé
Crédit Mutuel Océan4 € par trimestre
(ou par mois, si arrêté mensuel)
Crédit Mutuel Savoie-Mont BlancNon facturé
Crédit Mutuel Sud EstNon facturé
Crédit Mutuel Sud-Ouest4,10 € par trimestre
FortuneoNon facturé
Groupama BanqueNon facturé
Hello Bank4,50 € par trimestre
HSBC5 € par mois ou 10 € par trimestre
ING2 € par mois
La Banque Postale1,50 € par trimestre
LCLNon facturé
MacifNon facturé
Milleis BanqueNon facturé
MonabanqNon facturé
Orange BankNon facturé
Société Générale7 € par trimestre
Société Marseillaise de Crédit6,20 € par arrêté

Une pratique légale…

En appliquant des taux apparemment usuraires, ces 62 banques sont-elles hors la loi ? La réponse est non. L’article R314-9 du Code de la consommation les autorise en effet à percevoir, à l’occasion de chaque facturation d’agios, un « minimum forfaitaire qui n'est pas pris en compte pour déterminer le taux effectif global ». Il n’y a donc pas de dépassement du taux d’usure, puisque ce minimum est « hors TAEG », comme le précisent certaines brochures tarifaires.

Le Code de la consommation prévoit tout de même deux conditions pour pouvoir facturer ce minimum : qu’il soit « porté à la connaissance de l’emprunteur » ; et surtout que le montant du découvert ne dépasse pas « 400 euros en moyenne journalière calculée entre deux arrêtés de compte ».

… mais discutable

Légale, la pratique interroge néanmoins. Quel service ce minimum forfaitaire vient-il rétribuer ? L’intervention d’un conseiller pour autoriser le passage du compte dans le rouge ? Dans le cas d’un découvert non autorisé, celle-ci fait déjà l’objet d’un autre prélèvement, la commission d’intervention. Certes, le minimum forfaitaire s’applique également aux découverts autorisés. Dans ce cas toutefois, il est difficile à justifier : il s’agit en effet d’opérations qui ne mettent pas le compte en situation de dysfonctionnement, puisque ce dépassement a été préalablement accepté et prévu par la banque, et qui ne présentent donc pas de risques particuliers. Un argument, parmi d’autres, pour considérer cette ligne tarifaire comme discutable, si ce n’est excessive.

Lire sur ce sujet : Compte à découvert : le minimum forfaitaire d'agios est-il abusif ?

L’archétype de la ligne tarifaire illisible et arbitraire

Une dénomination changeante et peu explicite, d’énormes écarts de prix selon les enseignes... Ce n’est pas tout : l’illisibilité de ce minimum forfaitaire est aussi accentuée par des modes de facturation qui varient d’une banque à l’autre. Quelques exemples. Le plus souvent, ce minimum forfaitaire est facturé tous les trimestres. D’autres choisissent une fréquence mensuelle. Certaines banques prévoient également une sorte de franchise : la facturation ne se déclenche par exemple qu’au-delà de 3 ou 4 jours passés dans le rouge sur la période considérée. Ailleurs pourtant, un seul jour de découvert au cours de la période considérée suffit.

Ce minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs rassemble ainsi nombre des caractéristiques de ces lignes tarifaires arbitraires dénoncées par les associations de consommateurs. De quoi justifier que les pouvoirs publics s’y penchent, comme ce fut le cas par le passé lorsqu’ils ont demandé aux banques de plafonner le prix des commissions d’intervention ? L’avenir nous le dira.

Pour aller plus loin : Quelle est la meilleure banque en ligne en 2021 ?

(1) Cette ligne tarifaire ne fait pas partie de celles pour lesquelles les banques ont l’obligation d’appliquer une dénomination commune.