Retirer de l'argent dans un automate n'appartenant pas à votre banque coûte de plus en plus cher. Un phénomène qui s'accentue depuis 2 ans. La preuve en chiffres.

Facilité, anonymat et gratuité : ce sont les trois atouts généralement mis en avant par les défenseurs de l'argent liquide face à la mainmise croissante des moyens de paiement électroniques, au premier rang desquels la carte bancaire. La réalité de l'un d'entre eux est toutefois de plus en plus discutable. Accéder aux espèces, en effet, n'est pas totalement gratuit. D'abord parce qu'effectuer un retrait dans un distributeur automatique de billets (DAB), pratique ultra majoritaire aujourd'hui, nécessite de posséder une carte bancaire, généralement payante ; ensuite parce que les retraits eux-mêmes sont parfois facturés.

Pas tous heureusement : retirer de l'argent dans le DAB de son agence bancaire, et plus généralement dans tous les automates gérés par sa banque, reste gratuit. Ce n'est pas le cas en revanche des retraits dits « déplacés » ou « hors réseau », ceux effectués dans les DAB d'une autre enseigne. L'immense majorité des banques - 9 sur 10 - font payer ces opérations, au-delà d'un quota de quelques retraits gratuits par mois et leur prix tend à augmenter. Surtout, ces quotas de gratuité sont de plus en serrés. Voici les chiffres qui le montrent.

Qu'est-ce qui augmente ?

Pour mettre en évidence les évolutions à l'œuvre, nous sommes remontés dans le temps et avons observé 3 indicateurs sur la période 2013-2022, sur la base des brochures tarifaires de 159 enseignes de détail :

  • la part des banques facturant les retraits déplacés ;
  • le prix unitaire d'un retrait déplacé payant ;
  • le nombre moyen de retraits déplacés gratuits par mois.

Voici les résultats obtenus.

AnnéePart des banques facturant
les retraits déplacés
Prix moyen à l'unitéRetraits déplacés gratuits
(par mois, moyenne)
201391,1%0,90 euro3,95
201489,2%0,86 euro3,86
201586,6%0,83 euro3,72
201685,8%0,83 euro3,66
201787%0,85 euro3,54
201886,4%0,85 euro3,45
201985,9%0,84 euro3,43
202086,7%0,86 euro3,44
202189,8%0,90 euro3,33
202290%0,92 euro3,01

Données au 31 janvier de chaque année, sur la base des brochures tarifaires.
Echantillon de 159 banques de détail.

Que montrent ces chiffres ? D'abord que la part des banques facturant les retraits déplacés a eu tendance à augmenter au cours des 4 dernières années, passant de 85,9% en 2019 à 90% en 2022.

Concernant les prix moyens pratiqués, ils sont relativement stables dans le temps, même s'ils n'ont jamais été aussi hauts qu'aujourd'hui, en moyenne. Facturés 0,90 euro en 2012-2013, les retraits déplacés payants sont passés à 0,83 euro en 2015-2016 avant de remonter pour atteindre 0,92 euro pièce en 2022.

La hausse du coût d'accès au cash est toutefois surtout liée à la diminution du nombre mensuel de retraits déplacés gratuits. Presque toutes les banques, en effet, proposent un quota mensuel de retraits gratuits, entre 2 et 5 généralement. Ce nombre, toutefois, a tendance à baisser avec les années. De 3,95 en moyenne en 2013, il est passé à 3,44 en 2020, puis 3,30 en 2021 et 3,01 en 2022. Une nette baisse qui est la conséquence, notamment, de la nouvelle politique de la plupart des caisses régionales du Crédit Mutuel, qui ont divisé par deux, en 2022, le nombre de retraits mensuels gratuits, passant de 4 à 2.

Résultat : selon notre relevé tarifaire, le coût moyen de 4 retraits déplacés effectués dans le mois est passé, dans les banques concernées, à 1,50 euro au 13 janvier 2022, contre 1,22 euro un an plus tôt.

Pourquoi ça augmente ?

Comment expliquer cette hausse récente ? Pour la comprendre, il faut rappeler que si les retraits déplacés sont facturés par les banques, c'est aussi parce qu'ils représentent un coût pour elles. Lorsque vous retirez du liquide au DAB d'une autre banque, votre banque verse à cette dernière une « commission interbancaire de retrait » (CIR), destinée à compenser les coûts liés à l'installation, l'entretien et l'approvisionnement de ces distributeurs. Justement, le prix de cette CIR a augmenté il y a peu : +56% depuis le 1er janvier 2020, passant de 57 à 89 centimes par retrait. Une augmentation arrachée par les banques au réseau français CB et destinée à compenser deux tendances : la baisse globale du nombre de retraits d'espèces et la montée en puissance des banques en ligne, qui ne disposent pas de leur propre réseau de DAB. Une manière, donc, de mettre ces dernières plus fortement à contribution.

Quelles banques pourraient faire payer plus cher les retraits aux DAB ?

CB l'avait toutefois promis au moment de la hausse de la CIR : elle serait sans conséquences pour les usagers. Pourtant, difficile de ne pas voir dans la diminution du nombre de retraits déplacés gratuits une manière pour les banques de répercuter discrètement cette hausse, sans forte augmentation du prix unitaire, ou tout au moins d'encourager leurs clients à utiliser leur propre réseau de DAB.

Cette évolution peut paraître d'autant plus injuste qu'avant d'augmenter en 2020, la CIR avait baissé à l'automne 2011. A l'époque pourtant, l'Autorité de la Concurrence n'avait pas constaté de baisses du prix des retraits hors réseau. Nos chiffres montrent bien que le coût unitaire moyen d'un retrait payant avait fini par baisser en 2015-2016, tombant à 0,83 euro. Mais le nombre de retraits gratuits avait, lui, continué à diminuer.

Comment y échapper ?

Pour éviter de subir ces hausses, la première parade est de retirer systématiquement dans les DAB de votre banque. Pour faciliter la vie de leurs clients, mais aussi limiter les coûts, BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Mutuel ont ainsi en projet de mutualiser leurs réseaux d'automates d'ici fin 2023. Une manière d'enrayer une autre tendance à l'œuvre : la diminution du nombre de DAB sur le territoire. Selon la Banque de France, leur nombre a baissé de 3,2% en 2020, après -4,1% en 2019.

L'autre solution est de migrer vers une banque offrant une gratuité totale sur les retraits. C'est le cas actuellement de 13 enseignes. Il s'agit cependant principalement soit de banques en ligne (Boursorama, BforBank, Fortuneo, Monabanq, Orange Bank), soit de banques privées (Banque Palatine, BPE, Milleis). Des enseignes, donc, qui ne s'adressent pas à tout le monde.

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