Angoissés ou négligents, les Français ont tendance à conserver trop d'argent sur leurs comptes courants, non rémunérés : 528 milliards d'euros actuellement, soit plus de 9 400 euros, en moyenne, par personne. L'inflation, toutefois, commence à remettre en cause ce réflexe d'accumulation.

528 milliards d'euros : c'est la somme impressionnante dont les particuliers français, disposaient, fin octobre, sous la forme de dépôts à vue, c'est-à-dire, pour l'essentiel, sur leurs comptes courants. Soit 17 600 euros environ par ménage. Ou encore 9 430 euros par personne âgée de 15 ans et plus. Des montants moyens qui, évidemment, masquent de fortes disparités : dans un récent sondage, plus d'un tiers des Français déclaraient subir au moins un découvert par an, et 24% de ces derniers être dans le rouge tous les mois.

Le phénomène n'est pas nouveau. Depuis une dizaine d'années, nous avons tendance à conserver de plus en plus de liquidités à portée de main, plutôt que de placer cet argent sur des produits d'épargne de moins en moins bien rémunérés. Il s'est encore accéléré avec la pandémie de Covid, qui a entraîné un réflexe de « surépargne » estimé, tous supports confondus (compte courant, livrets réglementés, assurance vie, etc.) à 165 milliards d'euros en deux ans.

Il faut le rappeler : le compte courant, non rémunéré, n'est pas conçu pour thésauriser, mais pour régler ses dépenses courantes. Il est généralement conseillé d'y conserver l'équivalent d'un mois de dépenses, plus un petit matelas pour éviter un découvert.

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L'inflation comme explication

Ce réflexe d'accumulation, toutefois, pourrait toucher à sa fin. L'encours des dépôts à vue a connu en octobre un fort décrochage : moins 14,4 milliards d'euros en un mois. Certes, octobre est un mois où les Français puisent traditionnellement dans leurs liquidités, pour régler leurs arriérés d'impôts notamment. Mais la baisse, cette année, est d'une ampleur plus vue depuis 10 ans.

Comment expliquer ce retournement de tendance ? Par au moins deux phénomènes conjoints. Le premier : la remontée des taux des produits d'épargne, qui leur redonne de l'attractivité. Le taux du Livret A et du LDDS, notamment, a quadruplé en un an, pour atteindre 2% net, et devrait approcher des 3,5% dès le 1er février prochain. L'encours cumulé des deux produits a d'ailleurs passé, en novembre, le cap des 500 milliards d'euros, grâce à une forte dynamique de collecte (près de 31 milliards d'euros fin novembre) qui devrait faire de 2022 une des trois meilleures années de l'histoire de l'épargne réglementée. En clair, l'effet taux a joué et les ménages commencent à reprendre l'habitude de placer leur argent, plutôt que de le laisser se déprécier sur leurs comptes courants (non rémunérés), grignoté par une inflation qui va dépasser les 6% au second semestre 2022.

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La seconde explication est également liée à l'inflation. Ce repli sur les comptes courants pourrait bien être le signe des difficultés financières croissantes rencontrées par certains ménages, les plus modestes, face à la hausse du coût de la vie. Ce que confirment d'autres chiffres, ceux de l'inclusion financière : le nombre des personnes « fichées à la Banque de France » suite à des incidents de paiement a augmenté de 24% cette année par rapport à 2021.