Les propos tenus par la présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon, ont fait réagir la classe politique ce jeudi et fait craindre aux consommateurs une nouvelle hausse du prix réglementé de l'électricité en février 2024. Si cette dernière n'est pas exclue, la décision finale appartient au gouvernement. Explications.

Il n'est pas garanti que la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait prévu de passer son jeudi 14 septembre sur le réseau social X, anciennement Twitter. Pourtant, suite à ses propos tenus ce jeudi lors d'une conférence de presse, Emmanuelle Wargon a dû s'employer pour préciser sa pensée. Oui, la CRE envisage que la hausse préconisée du tarif réglementé (TRV) de l'électricité avoisine les 10%. Non, il ne s'agit pas d'une annonce officielle, ni même d'une prédiction.

En réalité, Emmanuelle Wargon a évoqué la prochaine échéance tarifaire attendue pour le 1er février 2024, puisque le TRV change deux fois par an, ce mois-là et en août : « Le calcul théorique que proposera la CRE au gouvernement pourrait aboutir à une évolution dont l'ordre de grandeur serait de 10% maximum début 2024, dans les conditions de marché actuelles, avant éventuelle application d'un bouclier tarifaire ».

Problème, les 21 millions de clients au TRV viennent déjà subir une hausse de 15% en février 2023 et une autre de 10% début d'août sur fond de sortie progressive du bouclier tarifaire voulue le gouvernement. Alors à quoi faut-il s'attendre au cœur de l'hiver ?

Pourquoi la hausse est probable

Notamment en raison de son coût estimé à 30 milliards en 2023 pour les finances publiques, le bouclier tarifaire pour l'électricité doit s'arrêter en décembre 2024. De plus, il est important de rappeller que cette année, lorsque le gouvernement a annoncé une hausse de 15% du tarif bleu en février, la CRE, selon sa méthode de calcul, recommandait une hausse de 99%, hors bouclier tarifaire. Mais la CRE précisait aussi que « les barèmes calculés par la CRE ne seront [...] pas appliqués aux consommateurs et ce sont les barèmes de prix gelés, fixés par le Gouvernement, qui entreront en vigueur le 1er février 2023 ».

Mais ce n'est pas la seule raison qui rend crédible une hausse en février prochain. Le mode de calcul du TRV tient compte des conditions de marché et des demandes d'Arenh en fin d'année, ce système qui autorise l'achat à prix réduit (42 euros le mégawattheure contre près de 100 euros sur les marchés) par les fournisseurs alternatifs de l'électricité nucléaire produite par EDF.

Sur le premier critère, il « faut être prudent et attendre la situation sur les marchés de gros fin 2023 », estime Julien Teddé du courtier Opéra énergie, interrogé par MoneyVox. Sur le second, le délégué général de l'association de consommateur CLCV, François Carlier demande un guichet Arenh plafonné « à 140 tWh », pour éviter qu'EDF soit contrait de se fournir sur les marchés justement. De fait, les consommateurs au TRV seraient alors mieux protégés des envolées tarifaires.

La réponse appartient au gouvernement

« Si le gouvernement relâche complètement le bouclier tarifaire, la hausse des prix pourrait être de 10%, suivant les demandes d'ARENH et les prix de marché à ce moment là », avance l'expert Nicolas Goldberg sur X. « L'estimation est probablement juste, insiste Julien Tchernia, président du fournisseur ekWateur. Mais on parle là du TRV théorique, le TRV gelé lui dépendra de la valeur du bouclier tarifaire décidée par le gouvernement et aucune annonce de ce côté là malgré nos demandes répétées. »

Car si la CRE émet une hypothèse de prix, c'est le bien le gouvernement qui a le dernier mot sur le sujet. Bruno Le Maire a réagi a son tour jeudi en affirmant qu' « une augmentation des tarifs de l'électricité de 10 à 20%, comme indiqué par la présidente de la CRE », début 2024 est exclue. En revanche, il n'a pas indiqué qu'il n'y aurait pas de hausse du tarif réglementé de l'électricité début 2024.

Le retour du bouclier tarifaire est-il possible ? Mi-juillet, Xavier Jaravel, Isabelle Méjean et Xavier Ragot, économistes au sein du Conseil d'analyse économique (CAE), jugeaient qu'il fallait y mettre fin pour les ménages les plus aisés afin de réduire son coût pour les finances de l'Etat. Une autre option consisterait à distribuer un chèque énergie exceptionnel aux ménages les plus modestes ou de multiplier, à nouveau, les appels aux consommateurs à modérer leur consommation en cas de vague de froid.

Les politiques de l'opposition ont depuis ce matin rivalisé de propositions. Côté France insoumise, les députés François Ruffin et Clémence Guetté ont appelé au blocage des prix. De son côté, le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, a demandé à la Première ministre Élisabeth Borne d'organiser « une conférence » sur les prix de l'énergie qui flambent.