Une proposition de loi votée sur le gong, jeudi 6 octobre, avant minuit. Les députés Modem avaient une journée pour faire passer leurs propositions, dont celle-ci : exonérer d'impôt sur le revenu les pensions alimentaires reçues par le parent qui garde la charge de l'enfant suite à une séparation ou un divorce. Le texte a été adopté mais il a déjà bien évolué. Le point sur ce qui pourrait changer pour vos pensions alimentaires.

Comment sont déclarées les pensions alimentaires à ce jour ?

Fiscalement parlant, la logique actuelle est la suivante. Le parent qui a la garde reçoit une pension alimentaire et paie l'impôt sur ce « revenu ». Et le parent qui verse cette pension alimentaire, chaque mois, peut réduire ses impôts grâce à cette pension versée. Cette logique a parfois des allures de casse-tête et les pensions alimentaires font partie des erreurs courantes de la déclaration de revenus.

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Ce que proposait le texte à l'origine

« Aujourd'hui, quand un juge décide d'un montant de pension alimentaire, le fait est que ce montant ne bénéficie pas à 100% à l'enfant puisqu'une partie est soumise à l'impôt, expliquait en septembre la députée Aude Luquet à MoneyVox. Ce n'est pas une question exclusivement fiscale, ni un débat hommes-femmes : l'objet de cette proposition de loi est de permettre que l'intégralité de la pension puisse être utilisée à l'éducation de l'enfant. »

« Dans certains cas, c'est justement parce que cette pension est fiscalisée que le parent qui la reçoit est imposable... Nous voulons donc inverser cette logique », poursuivait Aude Luquet : défiscaliser la pension reçue, en la sortant des revenus imposables ; et supprimer d'autre part la déduction fiscale bénéficiant à ceux qui versent cette pension alimentaire.

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Ce qui a (déjà) changé à l'Assemblée

La mesure initiale proposée par le groupe Modem a un potentiel effet pervers : alourdir l'impôt de ceux qui versent la pension, puisqu'ils peuvent jusqu'à présent déduire la somme versée de leurs revenus, en déclarant la pension versée au fisc.

Voyant la critique poindre, la députée Aude Luquet a elle-même amendé sa proposition de loi lors de l'examen en commission des finances : « Si la proposition de loi dans sa version originale était vertueuse du point de vue des finances publiques, revenir sur la possibilité donnée au débiteur, le parent versant une contribution pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, de déduire cette contribution de son revenu imposable pourrait constituer une hausse d'impôts significative non souhaitable dans la période actuelle », explique-t-elle pour justifier de tirer un trait sur la suppression de la déduction fiscale pour les parents qui versent la pension alimentaire. Et elle a transformé la « non-imposition » initiale des pensions reçues en déduction du revenu fiscal de référence (RFR).

Ce qui pourrait changer si la proposition de loi est définitivement adoptée, en l'état, par le Parlement

  • Pour le parent qui verse la pension alimentaire : rien ne change. Déduction fiscale possible.
  • Pour le parent qui reçoit la pension alimentaire : la somme reçue peut être déduite, « dans la limite de 4 000 euros par enfant et par an et de 12 000 euros par an ». Cette déduction influerait sur le RFR. Par conséquent, même si cette personne est non imposable, le fait de baisser son RFR lui offrirait potentiellement quelques avantages sur l'éligibilité à des prestations sociales, le montant des bourses ou l'accès au chèque énergie par exemple.

Comme le précise Aude Luquet dans le descriptif de sa proposition de loi, de fait, dans près de 70% des cas, la garde des enfants revient à la mère contre pas tout à fait 20% au père. La grande majorité des pensions sont donc versées par le père à la mère suite à un divorce ou une séparation.

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Ce texte a-t-il une chance d'être définitivement adopté ?

Mystère. Politiquement parlant, ce texte aux allures consensuelles a déjà suivi un étonnant chemin. La députée Modem Aude Luquet a déposé sa proposition de loi le 23 août, un texte rapidement soutenu par son groupe Modem, qui le planifie pour la niche parlementaire du 6 octobre. Peu après, elle reçoit le soutien du groupe Renaissance (la majorité présidentielle) qui co-signe son texte... avant de retirer cette co-signature.

Finalement, le texte a été adoptée jeudi 6 octobre à la quasi-unanimité (46 pour, 1 contre et 5 abstentions), en rassemblant des voix Nupes, RN et Nupes, mais... cette proposition de loi a finalement été adoptée contre l'avis du gouvernement, et sans l'aval du groupe Renaissance. Les députés du groupe Renaissance, alliés du MoDem dans la majorité, ont choisi de ne pas participer au vote en première lecture.

« Cette mesure ouvrirait une sérieuse brèche dans le calcul du RFR »

« Si votre objectif – augmenter le pouvoir d'achat des familles monoparentales appartenant à la classe moyenne – est juste et bon, l'instrument que vous avez choisi ne peut fonctionner, en dépit du bien-fondé de votre approche », a ainsi expliqué Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME. « Cette mesure ouvrirait une sérieuse brèche dans le calcul du RFR, dont aucun revenu imposable n'est actuellement soustrait. »

Surtout, même si la locataire de Bercy n'a pas insisté sur ce point, le fait d'avoir modifié le texte en commission - en créant un avantage pour ceux qui reçoivent la pension sans toucher à l'avantage actuel de ceux qui versent la pension - crée une nouvelle dépense pour l'Etat. En clair, cette mesure initialement consensuelle et indolore pour les caisses de l'Etat est devenue potentiellement coûteuse et le Modem n'a pas le soutien de ses alliés de Rennaissance.

L'avenir de cette proposition de loi reste donc très incertain. Prochaine étape, le Sénat, avant de revenir à l'Assemblée nationale.