Voté... mais finalement non retenu. Comme l'an passé, l'amendement transformant la réduction d'impôt Ehpad en crédit d'impôt, porté par Christine Pirès-Beaune, a été adopté par les députés, en commission... mais le gouvernement ne l'a pas retenu en vue du 49.3. La députée PS, qui porte cette mesure depuis des années, et qui a mené une mission à ce sujet en 2023, garde-t-elle espoir ?

Christine Pirès-Beaune, Députée PS du Puy-de-Dôme
Christine Pirès-Beaune
Députée PS du Puy-de-Dôme
Pourquoi, à votre avis, Christine Pirès-Beaune, votre amendement n'a pas été retenu ? En commission des finances, un consensus des différents groupes - hormis Renaissance - s'est dessiné autour de votre amendement. Mais le gouvernement a une nouvelle fois choisi de ne pas retenir votre amendement dans le texte présenté en 49.3...

Christine Pirès-Beaune : « Oui, en commission des finances, j'avais demandé lors d'une suspension de séance que les autres groupes retirent leurs amendements proposant une mesure similaire pour faire corps sur mon amendement, comme c'est une mesure que je porte depuis plusieurs années et comme j'ai effectué une mission en 2023 à ce propos. Le texte a été voté à 33 contre 17. En séance, l'amendement aurait probablement été voté [c'était le cas l'an passé, NDLR]. Donc, pourquoi le gouvernement ne retient-il pas cette mesure ? Je pense que c'est Bruno Le Maire qui bloque parce qu'il faut trouver 880 millions d'euros. Un coût duquel il faut retrancher les 272 millions d'euros que coûte déjà la réduction d'impôt actuelle sur les frais d'hébergement des personnes dépendantes. De mon point de vue, si le gouvernement bloque, c'est pour des raisons purement financières. J'en profite pour rappeler que dans un texte où on refuse un crédit d'impôt aux résidents d'Ehpad, on en crée un pour la Fifa ! [Le budget 2024 crée une exonération d'impôt sur les sociétés et de diverses cotisations pour les fédérations sportives internationales, NDLR] Cela témoigne bien du penchant de ce gouvernement. C'est un cri de colère ! »

« Si le gouvernement bloque, c'est pour des raisons purement financières »

Dans vos échanges au Parlement, avez-vous senti une porte ouverte pour trouver une issue via ce projet de loi de finances pour 2024 ? Est-ce que le Sénat par exemple pourrait porter la transformation de cette réduction en crédit d'impôt ?

Ch. P.-B. : « Oui, le Sénat pourrait rependre l'amendement. Mais le résultat sera le même [le gouvernement ne cache pas qu'il utilisera l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le budget 2024 lors des différents votes au Parlement, NDLR]. Il nous reste les niches parlementaires. J'avais l'intention de ressortir cette mesure lors de la niche PS mais elle est relativement loin [celle du PS est programmée pour la fin février, NDLR]. Véronique Louwagie et le groupe LR ont repris mon amendement dans une proposition de loi. Et leur niche parlementaire arrive plus vite... [le 7 décembre pour le groupe LR, NDLR] »

Proposition de loi LR : « Je ne me vois pas aller contre une mesure que je porte depuis longtemps ! »

Allez-vous soutenir la proposition de loi LR créant un crédit d'impôt Ehpad ?

Ch. P.-B. : « Nous, notre niche parlementaire intervient plus tard... Je n'en ai pas discuté avec mon groupe. Mais je ne me vois pas aller contre une mesure que je porte depuis longtemps ! »

« C'est indéfendable de ne rien verser aux non imposables »

Cette proposition de loi a-t-elle des chances d'aller au bout ?

Ch. P.-B. : « Oui. C'est un sujet transpartisan. Et il est indéfendable de ne rien verser à ceux qui ne bénéficient pas de la réduction d'impôt ! [De fait, seuls les non imposables n'en bénéficient pas, NDLR] Si cette proposition de loi est inscrite au programme de la niche LR, elle sera votée par l'Assemblée nationale, puis je pense qu'elle sera reprise au Sénat. »

Impôts : ce qui cloche avec l'actuel avantage fiscal Ehpad, de 2 500 euros maximum

Et si cela ne passe pas par cette niche LR, vous ambitionnez la niche PS ?

Ch. P.-B. : « Oui. Les propositions de loi, c'est en effet le principal espoir pour cette mesure. »

Vous proposez un crédit d'impôt mais uniquement de façon transitoire, pendant 2 ans. Votre objectif étant de créer « allocation universelle pour les résidents en Ehpad, dégressive selon les revenus ». Autant le crédit d'impôt a fait consensus parmi les groupes d'opposition en commission, autant ce n'était semble-t-il pas le cas pour cette allocation...

Ch. P.-B. : « Parce qu'ils ne connaissent pas le dossier ! Je pense qu'on ne peut pas aller contre cette idée. Ce qui peut faire débat, je l'entends, c'est peut-être la dégressivité de l'aide. Créer une aide forfaitaire ou dégressive, cela peut donner lieu à discussion. Mais, honnêtement, pour l'instant, le débat n'a pas eu lieu sur cette allocation universelle. »

« Les établissements sont obligés d'augmenter leurs tarifs »

Suite à votre mission, vous avez remis un rapport à la Première ministre Elisabeth Borne fin juillet sur la situation dans les Ehpad. Rapport dans lequel vous militez pour cette allocation universelle. La situation financière des résidents se dégrade-t-elle ?

Ch. P.-B. : « Avant cette mission, je ne connaissais pas grand-chose à la réalité des Ehpad. J'avais connaissance du souci lié à la réduction d'impôt en tant que rapporteure budgétaire “remboursements et dégrèvements” [au sein de la commission des finances de l'Assemblée, NLDR]. Aujourd'hui, après avoir mené cette mission, je connais mieux le sujet. Et oui, les conditions se dégradent avec l'inflation. Clairement. Les établissements sont obligés d'augmenter leurs tarifs. Cela peut aller de 1% à 6% Dans l'Ehpad hospitalier de Riom, où je suis administratrice, la facture a augmenté de 145 euros par mois. Sur la situation des Ehpad, on va reprendre les discussions dans le cadre de la loi “Bien vieillir”, à partir du 20 novembre. »

Quand les résidents ne peuvent plus payer avec leurs aides et leur pension de retraite, ce sont les enfants qui paient ?

Ch. P.-B. : « Oui. Quand les revenus sont insuffisants, généralement les résidents se débrouillent pour payer avec l'épargne. Puis, on se tourne vers les enfants... Certains paient sans être appelés par le conseil départemental. [Sinon, le conseil départemental fixe un montant de participation. Les “obligés alimentaires” doivent aider leur proche dans le besoin, et cela concerne notamment les difficultés à payer des frais d'hébergement en maison de retraite, NDLR] Si les enfants ne peuvent pas, il reste l'ASH (aide sociale à l'hébergement), une aide qui au moment du décès sera recouvrée via la succession. Les dossiers ASH permettent de jauger des difficultés financières pour payer ces frais d'hébergement. Or, par exemple, à l'Ehpad hospitalier de Riom, le nombre de dossiers ASH a doublé. Cela témoigne des difficultés croissantes des familles à payer gîtes et logis. »