Vous êtes en couple ? Vous payez des impôts ? Et le taux individualisé, ça vous parle ? La réponse est oui pour au moins un demi-million de couples qui ont réclamé un taux différent pour chaque membre du couple, afin de coller au mieux aux revenus de chacun. En 2025, ce taux sera le choix par défaut. Pourquoi ? Et pourquoi attendre septembre 2025 ? Et pourquoi pas le calcul de l'impôt en lui-même ? Réponses de la députée à l'origine de cette mesure, Marie-Pierre Rixain.

Marie-Pierre Rixain, Députée Renaissance de l'Essonne
Marie-Pierre Rixain
Députée Renaissance de l'Essonne
© Le bon portrait
Marie-Pierre Rixain, votre mesure d'individualiser par défaut le taux de prélèvement à la source doit s'appliquer en septembre 2025. Tout est sur les rails ? Aucun décret, arrêté ou autre texte complémentaire n'est attendu ?
Marie-Pierre Rixain : « Absolument. L'amendement [adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2024, NDLR] est suffisamment clair. Il doit y avoir une campagne de communication lors de la prochaine campagne de déclaration de revenus, sur ce nouveau calcul du taux de prélèvement pour les couples soumis à une imposition commune. »
« Il doit y avoir une campagne de communication lors de la prochaine campagne de déclaration de revenus »
Pourquoi septembre 2025 et non septembre 2024 ? Alors que, vu de l'extérieur, cette mesure paraît assez consensuelle...

M-P. R. : « La mesure ne fait pas tant consensus que cela. Car on touche à la conjugalisation de l'impôt sur le revenu. A l'impôt conjugalisé au sein du couple et du foyer de manière général. Avec l'individualisation du taux de prélèvement à la source, on met un pied dans la porte... Mais quand on travaille sur l'autonomie économique des femmes, c'est important d'avancer ainsi. Donc, si on voulait appliquer cette mesure à l'ensemble des foyers fiscaux et non pas seulement par défaut aux nouveaux foyers : il fallait prendre le temps de communiquer. »

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C'est-à-dire ? À un moment donné, l'idée était de restreindre cette mesure aux nouveaux foyers fiscaux ?
M-P. R. : « Il a fallu que je bataille pour que cela touche tous les foyers fiscaux. Élisabeth Borne [qui était Première ministre au moment de la proposition de loi en mars 2023 et lors du vote de l'amendement via le budget 2024 à l'automne 2023, NDLR] a été extrêmement réceptive. Patienter jusqu'à septembre 2025 pour l'application était un consensus : pour prendre le temps d'installer cette nouveauté, et afin de s'assurer qu'elle puisse s'appliquer par défaut à tous les couples soumis à l'imposition commune. Je préfère cette méthode. Plutôt que de se précipiter pour une petite partie des foyers et faire un coup de com', prendre le temps de baliser un changement durable. Car basculer ce taux individualisé en choix par défaut, cela veut dire que cela amène aussi une réflexion au sein du couple, sur les finances personnelles de chacun. »
« Il a fallu que je bataille pour que cela touche tous les foyers fiscaux »
Vous espérez que le taux individualisé va permettre de lancer la discussion dans des couples où les finances personnelles et la fiscalité sont encore des sujets tabous ?
M-P. R. : « Il faudra inverser la tendance : si l'homme il gagne plus, il devra convaincre sa compagne d'être tous deux prélevés chaque mois au même taux. On va avoir une négociation à l'envers ! On est aujourd'hui dans une démocratisation économique à l'intérieur des couples. Donc, oui, j'espère que cela pourra amener plus de discussion. »
« On va avoir une négociation à l'envers ! »
Dans votre amendement, les motifs invoqués pour ce délai de mise en œuvre reposent sur deux arguments, la communication et la mise en place technique. Techniquement, est-ce si complexe ? Il suffit de modifier le choix par défaut. Le taux individualisé existe déjà...
M-P. R. : « Il n'y a pas de loup pour l'application en 2025 ! Comme je vous l'expliquais, je préférais qu'on laisse le temps à la mesure de s'implémenter dans l'esprit des Français. Plutôt que de précipiter, fragiliser son application, provoquer une non adhésion. A partir du moment où cela touche à cet aspect budgétaire, je préfère aller dans l'adhésion plutôt que la précipitation. C'est moi qui ai proposé d'attendre 2025. Cette mesure n'est pas si consensuelle que ça... Lors des débats en commission, nous avons eu des manifestations contradictoires de la part des oppositions, plutôt côté LR et RN. On touche à des valeurs patriarcales, qui tirent leurs racines sur des siècles. Le problème n'était donc pas uniquement technique. »
« La déconjugalisation de l'impôt, j'y suis totalement favorable, à titre individuel »
Certains regrettent que cette réforme n'aille pas plus loin, avec une révision du quotient ou une déconjugalisation de l'impôt ? Vous, y seriez-vous favorable ?
M-P. R. : « Moi j'y suis totalement favorable, à titre individuel. J'ai bataillé depuis 2017 sur la déconjugalisation de l'AAH [allocation adulte handicapé, NDLR]. Je suis heureuse qu'on ait pu la mettre en place. On voit l'impact de la déconjugalisation de l'impôt dans des pays au nord de l'Europe. En Suède dès les années 1970... le taux d'emploi des femmes a augmenté de manière substantielle. Je crois foncièrement à la valeur travail pour s'émanciper. Un exemple : les femmes ont plus de difficultés à lever des fonds en temps qu'entrepreneuses. Au fond, ce qui est problématique, c'est la manière dont on considère l'argent des femmes. Or à partir du moment où on parle d'égalité fiscale, on va vers l'égalité économique. »
« À partir du moment où on parle d'égalité fiscale, on va vers l'égalité économique »
Votre proposition de loi discutée l'an passé à même époque ne portait pas uniquement l'individualisation du prélèvement à la source. Si vous deviez choisir une autre mesure à retenir...
M-P. R. : « J'en choisirais deux : l'évolution du traitement fiscal de la prestation compensatoire [en cas de divorce] afin qu'elle ne constitue plus un revenu imposable pour le bénéficiaire. Et la décharge de solidarité fiscale après un divorce [aujourd'hui, après une séparation, les anciens époux ou partenaires peuvent être poursuivis au titre de la créance fiscale du ménage, NDLR]. »
L'an passé c'est à l'occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, que vous aviez porté votre proposition de loi sur l'égalité fiscale. Avez-vous un nouveau projet pour le 8 mars 2024 ?
M-P. R. : « Cette année, ce ne sera pas sur le plan législatif. Je lancerai un think-tank sur la place des femmes dans l'économie où les aspects fiscaux seront à l'œuvre. »

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