L'épineuse question de l'héritage ? Un passage obligé pour les candidats à cette élection présidentielle 2022, y compris pour le candidat Macron, qui vient d'annoncer un assouplissement fiscal s'il est réélu. Alors, qui veut passer l'abattement actuel de 100 000 euros à 200 000 euros ?

Réformer la fiscalité de l'héritage ne se limite évidemment pas à la seule question de l'actuel abattement de 100 000 euros pour les enfants. Ni d'ailleurs aux seuls droits de succession, puisque les droits de donation (avant le décès) sont étroitement liés. Mais ce seuil de 100 000 euros est l'élément symbolique autour duquel s'articulent logiquement la plupart des propositions des candidats. Le point, candidat par candidat, sans oublier les mesures annexes qui changent parfois totalement la donne.

Héritage

Oui : ils veulent doubler l'abattement (voire plus)

Valérie Pécresse. « Je supprime les droits de succession pour 95% des Français », a annoncé fin janvier la candidate LR dans Le Figaro. Son programme prévoit que chaque enfant puisse hériter de 200 000 euros sans impôt, contre 100 000 euros aujourd'hui. Par ailleurs, l'abattement serait aussi porté à 100 000 euros pour une transmission indirecte, par exemple dans le cas où « une personne hériterait de son oncle ou de sa sœur ». Cette mesure s'accompagne d'un net assouplissement de la fiscalité des donations.

Anne Hidalgo. La candidate socialiste veut elle aussi « faciliter la transmission en abaissant la fiscalité des successions pour 95% des Français », affirme-t-elle dans son programme. Sa méthode : exonérer « de toute imposition pour chaque Français les sommes perçues par donation ou héritage jusqu'à 300 000 euros », précise-t-elle en réponse au questionnaire des Echos, en augmentant en parallèle les taux d'imposition pour les « très hauts patrimoines », supérieurs à 2 millions d'euros.

Eric Zemmour. Doubler l'abattement pour les enfants, comme du côté de Valérie Pécresse, et ce pour les droits de succession comme pour les droits de donation. Cet abattement relevé à 200 000 euros s'appliquerait en outre, promet le candidat de « Reconquête ! », à chaque enfant et petit-enfant.

Oui mais : doubler... pour tout réformer

Yannick Jadot. Une logique différente : le candidat écologiste veut certes doubler l'abattement, mais pour modifier totalement le mécanisme actuel en rognant toutes les niches fiscales. « L'impôt sur les successions sera payé en fonction de ce que chacun perçoit tout au long de sa vie, quel que soit son lien de parenté avec les donateurs, et à partir d'un seuil de 200 000 euros », explique-t-il dans son programme. Il s'agirait donc de prendre en compte les donations reçues pendant toute la vie dans cet abattement global. En clair : ce doublement serait défavorable aux plus gros patrimoines, même si le candidat EELV n'a pas encore détaillé le « barème plus progressif » qu'il annonce au-delà des 200 000 euros d'abattement global.

Non : booster l'abattement... sans le doubler

Emmanuel Macron. Lors de sa conférence de presse de candidat, le jeudi 17 mars, l'actuel président de la République a annoncé une augmentation de l'abattement de droits de succession en ligne directe (pour les enfants, voir encadré ci-dessous) de 100 000 euros actuellement à 150 000 euros, « pour tenir compte de l'évolution des prix de l'immobilier ». Il compte aussi porter à 100 000 euros les abattements pour les transmissions aux neveux et nièces du défunt, aux enfants de conjoint pour les familles recomposées, aux petits-enfants et donc plus globalement « aux autres membres de la famille ».

Non : ils veulent alléger différemment la fiscalité de l'héritage

Nicolas Dupont-Aignan. Le candidat de Debout la France est clairement favorable à une baisse de la fiscalité sur les successions. Mais plutôt en jouant sur des exonérations. Principales mesures : « supprimer les droits de succession sur la résidence principale » et faire grimper l'exonération de 75% sur la valeur d'une entreprise (« pacte Dutreil ») à 90%.

Marine le Pen. Nuance : la candidate du Rassemblement national ne touche pas, en l'état, aux abattements de droits de succession. Mais son programme crée une exonération pour « les biens immobiliers à hauteur de 300 000 euros ».

Non : ils veulent augmenter l'abattement... pour tout réformer

Fabien Roussel. « Une franchise de 170 000 euros sera instituée. » Mais cette proposition s'approche finalement de celle de Yannick Jadot puisqu'il affime lui aussi que « les niches fiscales qui favorisent outrageusement les plus riches seront supprimées », et en particulier les dispositifs liés à la transmission des entreprises.

Jean-Luc Mélenchon. Principale mesure du candidat de La France Insoumise sur la fiscalité successorale : « un héritage maximal de 12 millions d'euros (soit 100 fois le patrimoine net médian) ». Le programme « l'avenir en commun » précise cette mesure en insistant sur la volonté d'« augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines » en intégrant tous les « dons et héritages reçus tout au long de la vie » dans un même calcul global. Ce calcul reste à préciser mais il l'annonce « plus progressif » dans Les Echos. Quant à l'abattement, Jean-Luc Mélenchon évoque dans le même quotidien « 120 000 euros d'héritage » sans impôt, mais sur l'ensemble de la vie.

Non : plus d'impôt sur les gros héritages

Philippe Poutou. « Nous sommes pour une taxation des successions selon un barème aussi fortement progressif que l'impôt sur le revenu », déclare le candidat du NPA dans Les Echos, où il détaille son programme fiscal. Il annonce un principe de réforme, sans livrer de chiffres : « Un montant maximum d'héritage serait par ailleurs fixé. Pour les petits patrimoines, il est possible de fixer un montant d'exonération qui couvrirait plus des trois quarts de la population. »

« ? » : les non-alignés de la fiscalité de l'héritage

Aussi étonnant que cela puisse paraître, étant donné l'écho donné à la fiscalité successorale ces derniers mois, aucune trace de position claire à ce sujet chez Jean Lassalle et Nathalie Arthaud. Ni dans la presse, ni dans le programme. La candidate de Lutte ouvrière a certes répondu au questionnaire fiscal des Echos mais en balayant le sujet, les transfomations voulues étant plus vastes : « On ne changera pas les choses en réformant le régime des droits de succession », écrit Nathalie Arthaud, qui privilégie « l'expropriation des plus grands groupes industriels et financiers ».

Héritage : aujourd'hui, qui paie quoi ?

  • Aujourd'hui, la succession entre époux ou partenaires de Pacs est totalement exonérée de fiscalité.
  • Pour les enfants, les transmissions de patrimoine au décès sont exonérées de droits de mutation (véritable nom des « droits de succession ») jusqu'à 100 000 euros pour chaque enfant. Après abattement, c'est le plutôt avantageux barème en ligne directe qui s'applique : il commence à 5% pour grimper à 45% quand le patrimoine transmis s'approche de 2 millions d'euros par enfant.
  • L'abattement est en revanche bien plus faible pour les frères et sœurs (15 392 euros), et tombe à 1 594 euros pour les légataires ne faisant pas partie de la famille proche, avec un barème nettement moins avantageux (60%).

Un récent rapport du Conseil d'analyse économique soulève un constat global : l'immense majorité (plus de 85%) des successions en ligne directe – donc avec au moins un enfant héritier – ne sont pas imposées. A opposé, « les transmissions en ligne indirecte [en dehors de de « famille proche », NDLR] représentent une part considérable des droits prélevés par l'État, bien qu'elles ne concernent qu'une faible minorité des successions (plus de 50% des droits pour moins de 10% des flux successoraux totaux) », précise le CAE dans son étude.

Il faut par ailleurs souligner l'existence de très nombreux mécanismes et niches fiscales permettant de limiter les droits de succession, ce qui peut rendre la fiscalité successorale assez nébuleuse : assurance vie pour transmettre « hors succession », « pacte Dutreil » pour la transmission d'entreprise, l'abattement de 20% de la valeur de la résidence principale du défunt, etc.

Héritage : qui paie ces droits de succession qui font débat, et combien ?