« Zéro hausse d'impôt » : tel est le leitmotiv du président-candidat Emmanuel Macron et de son entourage pour un éventuel second quinquennat. Quelles sont les mesures prioritaires au rayon impôts ? Pourquoi tripler la prime Macron ? Quid de la taxe foncière ? Une semaine après la présentation du programme, entretien avec Laurent Saint-Martin, relais du candidat sur les sujets économiques.

Laurent Saint-Martin, rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale
Laurent Saint-Martin
Rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale
Emmanuel Macron a annoncé de nouvelles baisses d'impôt : 15 milliards d'euros en cas de réélection. Dont la moitié pour les ménages avec la suppression de la redevance TV et « différentes baisses d'impôts ménages ». Pourriez-vous détailler ces mesures visant les particuliers ?

Laurent Saint-Martin : « Les principales baisses de prélèvements obligatoires pour les ménages, ce sont la redevance TV, la baisse de la fiscalité successorale via l'augmentation des abattements. Puis, notamment, pour ceux qui sont concernés, la prise en compte des concubins pour déterminer un foyer fiscal. »

La suppression de la redevance TV et la fiscalité de l'héritage, seraient donc vos deux chantiers principaux pour la fiscalité des ménages...

L.S-M. : « Oui. Au lendemain d'une crise telle que nous avons connu et après avoir baissé les impôts de 26 milliards d'euros pour les ménages, l'heure est à la lisibilité et à la clarté fiscale. Pas uniquement à la stabilité fiscale. Ce qui mine les reprises économiques, c'est le zigzag. Il n'est pas question de perturber la bonne connaissance des outils fiscaux de nos concitoyens. Pour l'héritage, on baissera la fiscalité en gardant le cadre existant. La redevance TV ? Supprimée ! C'est clair et compréhensible. Zéro hausse d'impôt et quelques baisses dans un cadre fiscal stabilisé. »

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Revenons sur l'héritage. Il y a 5 ans le candidat Macron voulait s'attaquer à la rente immobilière. Le récent rapport du Conseil d'analyse économique conseille de revoir la fiscalité successorale pour la rendre plus progressive. Pourquoi choisir, à l'inverse, un assouplissement ?

L.S-M. : « Entre-temps, des crises majeurs, systématiques, sont survenues et nos concitoyens ont besoin de repères stables. On assume totalement le fait de d'alléger la fiscalité mais sans bousculer le système. Deuxièmement, on annonce “zéro hausse d'impôt”, pour personne... Or la réforme que vous évoquez augmenterait les droits de succession dans certains cas – et les baisserait pour d'autres - or nous voulons un cap très clair pour un second mandat : zéro augmentation d'impôt face à la crise. »

Sur la fiscalité de l'épargne, gros chantier du quinquennat écoulé avec la flat tax, ou concernant la fiscalité successorale de l'assurance vie, rien ne bouge ?

L.S-M. : « Non. C'est maintenu. »

« Un grand chantier “fiscalité locale” sur un début de quinquennat, je ne suis pas sûr que ce soit la priorité »

Concernant la taxe foncière : la réforme des valeurs locatives est toujours à échéance 2026. Vous avez vous-même estimé qu'une réforme ambitieuse de la fiscalité locale serait nécessaire lors d'un deuxième quinquennat. Vous maintenez ?

L.S-M. : « Là aussi, le monde a un peu changé entre-temps. L'enjeu est de travailler avec des moyens clairs et stabilisés. Il faut que la fiscalité locale reste stable - nonobstant la suppression du CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises] du bloc local que l'on va mettre en place si le président est réélu – et que les collectivités aient les moyens de leurs compétences. Donc un grand chantier “fiscalité locale” sur un début de quinquennat, je ne suis pas sûr que ce soit la priorité. »

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Suite à la suppression de la taxe d'habitation, ce chantier de la fiscalité locale et du financement des collectivités ne risque-t-il pas de s'imposer à un moment ou l'autre lors en cas de second quinquennat ?

L.S-M. : « Aujourd'hui ce n'est pas dans le programme. »

Pour l'impôt sur le revenu, dans votre programme figure la possibilité pour les couples en union libre de faire une déclaration unique. Ces couples auraient le choix alors que les couples mariés et pacsés ne l'ont pas. Or déclarer à deux est souvent intéressant, mais pas systématiquement. Faudra-t-il ouvrir ce choix à tous les couples ?

L.S-M. : « Avec le prélèvement à la source et le taux individualisé, nous avons déjà permis d'adapter l'impôt à chaque membre du couple en cas d'écart de revenus. »

Les taux de prélèvement permettent d'adapter l'impôt à la source, mais pas la note finale...

L.S-M. : « Nous avons un système fiscal qui aujourd'hui est favorable à la famille, avec le quotient familial qui n'est pas remis en cause. Cette mesure [la conjugalisation des revenus pour les concubins, NDLR] serait une nouvelle avancée. »

« La prime Macron n'a pas vocation à remplacer l'intéressement ou la participation ! »

Sur le partage des profits en entreprise, en cas de dividendes, votre programme prévoit une obligation de partage aux salariés : soit par l'intéressement, soit par la participation ou, voici la nouveauté, soit par la prime PEPA (ou « prime Macron »). Cette nouvelle obligation concernerait-elle beaucoup d'entreprises ?

L.S-M. : « Oui, le fait d'avoir pérenniser le plafond de la PEPA rend crédible la possibilité de partager la valeur à tous les niveaux d'entreprises. On crée des outils plus accessibles à tous. Car toutes les entreprises n'ont pas la facilité de mettre en place la participation, l'intéressement ou l'actionnariat salarié. La pérennisation de la PEPA et son augmentation permettra à tous les niveaux d'entreprises de respecter cette règle de partage des profits. [Le versement de dividendes existe en effet aussi dans les petites entreprises, pour rémunérer les associés, NDLR.] »

5 raisons de bien réfléchir avant de placer sa prime d'épargne salariale

Ne craignez-vous pas un effet pervers du triplement de la PEPA ? Des entreprises qui choisissent la prime Macron par facilité ou intérêt fiscal alors qu'elles pourraient instaurer un intéressement ?

L.S-M. : « Il faut poursuivre la simplification amorcée par la loi Pacte pour les dispositifs d'épargne salariale. La PEPA n'a pas vocation à remplacer l'intéressement ou la participation ! Mais à compléter l'offre de ce qu'on appelle le dividende salarié : il peut prendre plusieurs formes en fonction des outils de chaque entreprise. »

Vous aviez lancé le « Grenelle des niches fiscales », et la chasse aux niches inopérantes, avant le Covid-19. Allez-vous rependre ce cheval de bataille en cas de réélection d'Emmanuel Macron ?

L.S-M. : « Le travail autour de la dépense fiscale est toujours nécessaire. Après, difficile de vous dire à ce stade quels seront les choix futurs... Mais c'est toujours un bon réflexe à avoir pour le Parlement. »

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