La taxe foncière augmente en 2023 dans 99% des communes. Mais seules 14% des municipalités ont voté une hausse du taux communal, l'augmentation étant le plus souvent due à la revalorisation nationale de la base de calcul... indexée sur l'inflation. Alors, comment une poignée de communes parviennent-elles à baisser significativement leur taux ? L'analyse du spécialiste des finances publiques, François Ecalle.

François Ecalle, Président de l'association Fipeco (Finances publiques et économie)
François Ecalle
Président de l'association Fipeco (Finances publiques et économie)
Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, etc.
Alors ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal avait l'an passé invité les maires à modérer la taxe foncière 2023. « Des collectivités peuvent tout à fait baisser leurs taux communaux », déclarait-il à l'Assmeblée nationale, en se prononçant contre le plafonnement à 3,5% de la hausse des valeurs locatives (au lieu de 7,1%, finalement). In fine, moins des 3% de collectivités ont réduit leur taux : cela vous étonne ?

François Ecalle : « Dans certaines communes, la hausse de la taxe foncière sera effectivement inférieure à 7%, puisqu'elles baissent leur taux. Mais, 3%, est-ce peu ou beaucoup ? Il faudrait regarder [vérification faite, une proportion similaire de collectivités avient baissé leur taux en 2022 selon les données de la DGFiP, NDLR]... Il y a toujours des cas particuliers : de nouvelles économies, un projet d'infrastructure qui arrive à terme, etc. »

« Dans certaines communes, la hausse de la taxe foncière sera effectivement inférieure à 7%, puisqu'elles baissent leur taux »

Les jeux de finances locales sont complexes... Aujourd'hui, si une commune garde son taux intact, à l'instar de 85% des communes en 2023 rappelons-le, les rentrées d'argent augmentent tout de même ?

F.E. : « Oui. Car la base de calcul augmente de 7,1%, au niveau national. Eventuellement, au cas pas cas, un peu plus ou un peu moins de 7%, même si le taux communal reste stable. Pourquoi ? En fonction des constructions et mouvements dans la commune : le nombre de biens immobiliers taxés peut varier et cela change mécaniquement la donne pour le budget communal. Quelle est la part de la taxe foncière dans le budget d'une commune ? Cela dépend des villes et strates d'intercommunalités. L'une des ressources majeures des municipalités restent les dotations de l'Etat [dotation globale de fonctionnement (DGF), NDLR]. Mais la première recette, c'est la TVA, devant taxe foncière. »

« La perte de la taxe d'habitation a été compensée, à l'euro près ! »

Suite à la suppression de la taxe d'habitation, y a-t-il eu compensation du manque à gagner pour les communes ?

F.E. : « La perte de la taxe d'habitation, elle a été compensée ! Elles ont reçu de la TVA pour compenser. Il y a, au global, une compensation à l'euro près. Oui, à l'euro près ! Après, si la taxe d'habitation avait été maintenue, les communes auraient pu répartir les hausses d'impôt sur la taxe foncière et la taxe d'habitation. Là, tout est concentré sur la taxe foncière. Et ce ne sont pas les mêmes contribuables qui sont ou étaient soumis à ces deux impôts locaux. Il y a bien un “effet taxe d'habitation” pour la gestion d'une budget communal malgré les compensations. Le problème, c'est que c'est leur seul levier. Même pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le taux est fixé par l'Etat. Il y a très peu d'impôts locaux sur lesquels elles maîtrisent le taux.

INFO MONEYVOX. Ces 82 villes et villages où la taxe foncière baisse vraiment en 2023

Le maire de Mézy-sur-Seine, Fabrice Zuccarelli, où le taux a baissé de plus de 10%, témoigne tout de même de « l'érosion sur le long terme de la participation de l'Etat au budget des communes ». Confirmez-vous ?

F.E. : « C'est vrai : les dotations de l'Etat aux collectivités locales ont fortement baissé pendant le quinquennat de François Hollande, puis se sont stabilisées sous Emmanuel Macron. Donc, en effet, elles n'augmentent pas beaucoup, c'est vrai. Après, il faut se rappeler que, jusqu'à l'année dernière, dans les départements, les droits de mutation touchés lors des transactions immobilières ont explosé. Là, il va effectivement y avoir des années de vaches maigres après années de vaches “grasses”. »

« Si la taxe d'habitation avait été maintenue, les communes auraient pu répartir les hausses d'impôt sur la taxe foncière et la taxe d'habitation »

Les 82 communes où le taux communal baisse de plus de 10% ont un point commun, à de rares exceptions près : ce sont uniquement de petites communes. Est-ce impossible dans les grandes villes ?

F.E. : « Ce sont probablement des petites communes qui ont eu un programme d'investissement, avec une taxe élevée pour mener un projet piscine, par exemple, ou totu autre projet coûteux en argent public. Et elles le baissent une fois le projet finalisé. Ou tout d'un coup, elles ont une ressource nouvelle, par exemple une usine qui s'installe, leurs bases augmentent et elles peuvent baisser les taux. Pour les grandes villes, si, je pense qu'elles pourraient modérer leurs dépenses. Mais, à leur décharge, elles subissent l'inflation : sur l'énergie, les salaires... Donc leurs dépenses augmentent. L'inflation est tout de même compensée puisque c'est la raison pour laquelle les valeurs cadastrales augmentent [de 7,1% en 2023, NDLR]. »

« A leur décharge, elles subissent l'inflation : sur l'énergie, les salaires... »

En 2024, la revalorisation de la base de calcul, les valeurs locatives cadastrales, ne sera pas aussi importante qu'en 2023 mais elle devrait tout de même avoisiner voire dépasser les 5%, à la vue des derniers chiffres d'inflation. Faut-il s'attendre à une hausse comparable l'an prochain ? Ou à de plus nombreux changements de taux communaux ?

F.E. : « Un autre facteur va jouer, immanquablement, c'est le cycle électoral. En général les hausses de taux communaux de taxe foncière interviennent plutôt au début d'un mandat municipal. On devrait donc approcher de la période de stabilisation sur une échelle de 6 ans. »

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