Les Français âgés vivant en zone rurale : voici les ménages que l'Insee désigne sans ambiguïté comme les principaux perdants du grand retour de l'inflation en 2022. Mais ils ne sont évidemment pas les seuls à souffrir de l'envolée des prix (qui n'est pas prête de retomber).

Les prix augmentent pour tout le monde ! Mais selon vos habitudes de consommation, votre activité, votre niveau de vie ou tout simplement l'endroit où vous habitez, le retour de l'inflation au-dessus de 5% - une première depuis 1985 – vous frappe plus ou moins durement au portefeuille. Qui a donc le droit de se plaindre plus franchement de l'envolée des prix ?

L'Insee livre une note de conjoncture appuyant le caractère exceptionnel de la période actuelle. La faute à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine. Pour bien comprendre l'analyse de l'Insee, un coup d'œil au graphique suivant s'impose. En jaune, l'Insee montre le rôle de l'énergie (carburant, chauffage, etc.) dans l'envolée actuelle des prix. Un rôle prépondérant jusqu'à présent mais... les prévisions pour les prochains mois, à droite des pointillés, montrent que l'atterrissage est encore loin. En rose, les services – loyers, eau, santé, communication, etc. – prennent le relais, entraînés dans cette spirale par les coûts des transports, de l'énergie, etc.

insee prix 2022
Source : Insee, note de conjoncture, vendredi 24 juin 2022

Habiter en zone rurale : le poids de la voiture et du chauffage

+5,9% pour les habitants des zones rurales, contre 4,9% d'inflation en moyenne sur l'ensemble du territoire à fin avril, cette analyse détaillée n'ayant pu se baser sur les chiffres plus récents (+5,2% d'inflation en mai et probablement 5,9% au global en juin).

Pourquoi cette différence d'inflation selon le lieu de résidence ? Les coûts de l'énergie. C'est-à-dire la flambée du diesel et de l'essence, mais aussi les coûts liés au chauffage d'une maison rurale. Ce constat n'est pas totalement nouveau, mais il s'amplifie actuellement avec ce qui constitue une inflation record pour la France au 21e siècle. A la fin des années 2000, quand l'inflation dépassait les 3% suite à la crise financière des subprimes les « ruraux » en pâtissaient déjà plus fortement que les ménages vivant en ville.

« A l'intérieur d'une même catégorie, par exemple au sein des résidents en zone rurale, il y a forcément une hétérogénéité des situations encore plus forte », nuance Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l'Insee. Face à l'inflation galopante, l'Insee promet des analyses encore plus détaillées prochainement.

Plus de 75 ans : le poids du logement

Ce second graphique de l'Insee (ci-dessous) est encore plus abrupt que le premier. Mais il est finalement très évocateur : le niveau zéro est l'inflation globale (à 4,9% fin avril) et ce qui dépasse représente un surplus d'inflation. On voit donc un point de plus pour les zones rurales. Et un même surplus lié à l'énergie (en vert) pour les Français de plus de 75 ans (partie gauche du graphique). Explication de l'Insee : « le poids des dépenses d'énergie du logement tend à augmenter avec l'âge ». Ce surplus de dépenses énergétique est compensé chez ces seniors par une moins consommation de biens manufacturés, ce qui atténue l'inflation globale qui les touche.

prix CSP inflation
Contributions des différentes postes de dépenses à l'inflation. Le carré noir représente l'inflation globale pour chaque catégorie de ménage. Source : Insee.

A l'exact opposé, les moins de 30 ans subissaient fin avril une inflation inférieure de quasi 1 point, c'est-à-dire de moins de 4%. Cela ne signifie pas qu'ils sont les « gagnants » de cette conjoncture, uniquement que le coût de leur vie augmente légèrement moins vite. Toutefois la hausse des prix des services annoncée par l'Insee dans les prochains mois pourrait rebattre les cartes : c'est d'ores et déjà le poste de consommation qui leur fait le plus mal au portefeuille.

Agriculteurs : ceux qui paient le prix fort

L'Insee dissèque la consommation des grandes catégories socio-professionnelles. Ainsi les cadres voient certes le coût des services s'envoler mais l'énergie et le carburant pèse moins dans leur budget mensuel que pour d'autres professions. Résultat : au global, les cadres subissent une inflation moindre que l'ensemble de la population (d'environ 4,5% fin avril contre 4,9% pour l'ensemble des Français).

A l'opposé, les agriculteurs sont clairement les grands perdants de la conjoncture actuelle. Certes ils consomment moins de services que les cadres et ce poste de dépenses pèse ainsi moins dans leur portefeuille... mais ils sont extrêmement dépendants des fluctuations des coûts de l'énergie, et de l'alimentation.

Bouclier tarifaire + remise à la pompe : selon l'Insee, vous avez échappé à une inflation de plus de 7%

Pourquoi l'inflation – certes très élevée – grimpe-t-elle moins vite en France que chez ses voisins européens ? L'Insee confirme l'argumentaire du gouvernement qui insiste sur le rôle des différentes mesures d'urgence face à la crise sanitaire puis énergétique. Le « bouclier tarifaire » gèle depuis octobre 2021 les hausses de tarif du gaz et de l'électricité. Puis la « remise à la pompe » de 15 centimes évite une envolée encore plus nette des dépenses en carburants.

« L'effet combiné des différents dispositifs se serait élevé à 1,5 point en avril et 2 points en mai : en l'absence de mesures, l'inflation se serait ainsi située en mai à plus de 7% sur un an (contre 5,2% observé) », souligne l'Insee. Reste à savoir si ces mesures ont réellement empêché une hausse encore plus brutale et durable des prix... ou si elles en ont uniquement différé les effets de quelques mois.

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