Le gouvernement a promis d'indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation... comme le veut la tradition. A l'image des impôts ou du Smic, la hausse des prix actionne une multitude de revalorisations, plus ou moins automatiques. Pour quel impact ? Tour d'horizon chiffré des hausses à anticiper. Retraités et bénéficiaires de prestations sociales seront plutôt « gagnants »... et les locataires touchant des APL clairement perdants.

L'inflation dépasse désormais les 5% et cette envolée des prix à la consommation devient un enjeu politique de tout premier plan. Impossible, en cette semaine d'entre-deux tours des élections législatives, de savoir précisément quelles seront les réponses de la future majorité parlementaire. Évidemment, le blocage des prix réclamé par la NUPES ou le chèque alimentaire annoncé par le gouvernement actuel sont des réponses bien différentes face à l'inflation. Le scénario le plus probable à la vue des prévisions des instituts de sondage reste le maintien de la majorité présidentielle. Avec la promesse d'un projet de loi « pouvoir d'achat » attendu finalement début juillet sur la table du Conseil des ministres. Ce texte doit porter deux revalorisations exceptionnelles : pour les retraites et les prestations sociales. Sans attendre les résultats des élections ni les détails de ce projet de loi, tour d'horizon des charges et ressources qui vont augmenter face à l'inflation dans les prochains mois.

Smic : une nouvelle hausse automatique si...

Le contre-exemple parfait. Alors que toutes les ressources censées être indexées sur l'inflation tardent à suivre le rythme de la hausse des prix, le salaire minimum, lui, a réellement progressé. Car outre la traditionnelle revalorisation de janvier, la formule de calcul prévoit une hausse exceptionnelle si les prix grimpent de plus de 2% en quelques mois. Ainsi le Smic net est passé en un an « de 1 230,60 euros à 1 302,64 euros net », par stricte application de cette règle. Pour que la formule s'enclenche une nouvelle fois, il faudrait que l'inflation subie par les 20% des foyers français les plus modestes dépasse les 7%.

  • Quand ? Lors de l'été ou le début d'automne si la hausse des prix s'accélère encore. Sinon au 1er janvier 2023.
  • Combien ? De plus de 2%.
  • Probabilité : faible à ce stade, sauf nouvelle poussée (franche) de l'inflation (ou majorité NUPES à l'Assemblée).

Quelle hausse des prix sur l'année 2022 ?

Bien malin qui peut prévoir où s'arrêtera l'envolée des prix. Depuis le début 2022, suite à la crise sanitaire et face à la guerre en Ukraine, toutes les prévisions ont fini par être revues à la hausse. L'Insee, qui annonce une inflation de 5,2% sur un an à fin mai, livrera une estimation annuelle 2022 le 24 juin prochain.

En attendant, les estimations sont rares. La Banque de France a avancé 4,4% dans un « scénario dégradé » mais ce chiffrage date déjà de la mi-mars... Périmé ? Dernière estimation en date : l'OFCE dans ses « Perspectives pour l'économie française 2022 ». Verdict : 4,9%. Pour l'instant...

Retraite : +4% dès cet été, mais...

« Je vous confirme une revalorisation de 4% pour toutes les retraites », a déclaré la Première ministre Elisabeth Borne au micro de France Bleu. Cette hausse passera par le projet de loi « pouvoir d'achat », qui va accélérer le calendrier habituel des revalorisations afin de coller à l'inflation, et sera visible sur les pensions versées début août.

Retraite : quel sera le nouveau montant de votre pension grâce à la revalorisation de juillet ?

Cette hausse exceptionnelle s'ajouterait à celle de 1,1% en janvier 2022. Pourquoi était-elle si faible ? Car elle était basée sur la moyenne de l'inflation (1) de novembre 2020 à octobre 2021. Si les retraités devaient attendre janvier 2023, à la vue des estimations, la hausse dépasserait 4,3% selon nos calculs. Et en appliquant à la lettre cette formule à ce jour, elle serait de 3%. La hausse de 4% promise par Elisabeth Borne est donc plus « généreuse » que celle prévue par la loi.

Cette hausse exceptionnelle limitera nettement les pertes de pouvoir d'achat des retraités, juge l'OFCE dans son étude, mais... « elle ne permettra pas de compenser totalement » ces pertes pour l'ensemble des retraités, explique Pierre Madec, économiste de l'OFCE.

Car attention : ces 4% ne portent que sur la retraite de base, pas sur les régimes complémentaires sur lesquels l'Etat n'a pas la main (lire plus bas). Ainsi, pour un retraité du privé ayant cotisé à Agirc-Arrco touchant la pension moyenne de 1 474 euros, la hausse estivale de 4% sera de 39 euros et non de 59 euros, car un tiers de la pension totale dépend de la complémentaire Agirc-Arrco.

  • Quand ? Cet été si le gouvernement parvient à faire adopter son projet de loi « pouvoir d'achat ».
  • Combien ? 4%.
  • Probabilité : élevée... mais dépendante du second tour des élections législatives.

Prime d'activité, le minimum vieillesse, RSA... : +4% aussi ?

En temps normal, les prestations sociales progressent quasiment au même rythme que la retraite de base. Car la formule de calcul (1) est la même, la seule différence étant le calendrier des hausses annuelles : au printemps pour le RSA et consorts.

La dernière hausse datant d'avril 2022 (+1,8%, la faute à une formule basée sur la moyenne des douze derniers mois), il faudra en théorie attendre le printemps 2023 pour que les minima sociaux augmentent enfin au rythme de l'inflation !

Raison pour laquelle le gouvernement a annoncé qu'elles seront revalorisées elles aussi dès cet été comme les retraites « sans attendre le calendrier habituel ». A 4% là encore, comme l'avance le quotidien Les Echos ? Contacté par MoneyVox, le cabinet de Bruno Le Maire précise toutefois que le pourcentage de revalorisation n'a pas été annoncé : il faudra attendre le projet de loi pour connaître le pourcentage de revalorisation. En appliquant à ce jour la formule de calcul présente dans le Code de la sécurité sociale, la hausse serait selon nos calculs de 3%.

Si le gouvernement confirmait une hausse exceptionnelle de 4%, elle permettrait de « compenser les pertes de pouvoir d'achat des ménages modestes » concernés, juge Pierre Madec, de l'OFCE. Car elle s'additionnerait à une hausse récente de 1,8%, ce qui ferait +5,8% en quelques mois.

  • Quand ? Cet été si le gouvernement parvient à faire adopter son projet de loi « pouvoir d'achat ».
  • Combien ? 3% (selon notre calcul basé sur la formule réglementaire), 4% si le gouvernement s'aligne sur la hausse promise pour les retraites de base.
  • Probabilité : élevée... mais le pourcentage de hausse reste à arbitrer et dépend aussi du second tour des élections législatives.

APL : +3,5%, seulement, en octobre 2022...

Sauf annonce surprise, la revalorisation des allocations logement attendra l'automne, suivant son rythme habituel. Et ce même si la dernière revalorisation n'était que de 0,42% en octobre 2021. Et, en l'état, les allocataires ne peuvent espérer de hausse très franche : l'aide sera réévaluée au 1er octobre sur la base de l'IRL (indice de référence des loyers) du 2e trimestre 2022.

Ce dernier sera publié par l'Insee le 13 juillet. Il est d'ores et déjà possible d'estimer son évolution, puisqu'il est calculé sur la base de l'indice des prix à la consommation (IPC) hors loyers et hors tabac des douze derniers mois. Verdict ? 3,5%, peut-être légèrement plus.

  • Quand ? 1er octobre 2022.
  • Combien ? Plus de 3,5% (selon notre calcul basé sur la formule réglementaire).
  • Probabilité : forte... sauf coup de pouce anticipé, selon la majorité élue à l'Assemblée nationale (le programme de la NUPES promet par exemple de « revaloriser les aides personnelles au logement (APL) au regard de l'inflation », sans toutefois préciser l'indice retenu).

LEP, Livret A, PEL... des taux doublés cet été ?

Dans une toute autre catégorie de revenus, les intérêts des livrets réglementés dépendent eux aussi – en partie – de l'inflation. En bref : le Livret d'épargne populaire (LEP) devrait grimper à 4,5% en août, le Livret A potentiellement à 1,5% voire 2%. Même le Plan épargne logement, dont la rémunération dépend d'une toute autre formule, pourrait voir son taux remonter cet été.

  • Quand ? 1er août 2022.
  • Combien ? 4,5% pour le LEP, 2% pour le Livret A.
  • Probabilité : forte... sauf si Bercy décide de ne pas suivre (à la hausse ou à la baisse) la recommandation de la Banque de France basée sur la formule de calcul officielle.

Livret A à 2%, LEP à 4,5% : les taux théoriques pour votre épargne à partir du 1er août

Impôt sur le revenu : barème indexé... pour éviter une hausse d'impôt

L'impact de l'inflation sur les impôts est plus indirect. Déjà, évitons les quiproquos : le barème de l'impôt 2022 (sur revenus 2021) est connu et ne bougera pas. Vous connaissez d'ailleurs pour la plupart déjà le solde à payer à la fin de l'été et le trop-perçu qui vous sera remboursé au cœur de l'été.

Impôts : comment décrypter le calcul casse-tête de fin de déclaration

La question de la revalorisation du barème ne se posera réellement que lors du débat de la loi de finances pour 2023, à l'automne prochain. Mais un début de polémique a fait surface... avant que Bruno Le Maire mette les points sur les « i » : le barème sera comme chaque année indexé sur l'inflation. Depuis 1969, à l'exception du gel des années 2012 et 2013, il a systématiquement été réévalué selon la hausse du coût de la vie.

Reste à déterminer le taux d'indexation... L'an passé, le gouvernement s'était contenté d'une hausse de 1,4% basée sur les chiffres connus à la fin de l'été 2021, alors que l'inflation avait nettement accéléré en fin d'année... Une absence de réaction plutôt défavorable aux contribuables.

Ces hausses qui restent incertaines

Certaines charges ou ressources évoluent au rythme de l'inflation... mais uniquement en partie. Ce qui rend d'une part impossible toute anticipation, et qui peut s'avérer défavorable.

Allocations chômage. Rendez-vous au 1er juillet. C'est à cette date que l'Unédic augmente traditionnellement l'allocation chômage minimale et par ricochet l'ensemble des indemnisations de Pôle emploi. L'an passé, cette revalorisation touchant 2,4 millions de demandeurs d'emploi était limitée à 0,6%... Et cette année ? La décision passe par un vote des administrateurs de l'Unédic, les « partenaires sociaux gestionnaires du régime » (représentants des employeurs et salariés). En clair : une revalorisation décidée au regard de l'inflation... sans être indexée. Suspense.

Retraite complémentaire. Le principe est proche de celui de l'allocation chômage : la revalorisation est décidée par le conseil d'administration du régime complémentaire. Et il existe de multiples complémentaires. Par exemple, le régime Agirc-Arrco dispose d'une marge de 0,5 point (à la hausse ou à la baisse) par rapport au taux prévisionnel d'inflation de l'année en cours, attendu proche de 5%, pour la traditionnelle revalorisation annuelle du 1er novembre.

Taxe foncière. Cet impôt local progressera a minima de 3,4% en 2022. Car la base du calcul, la valeur locative cadastrale, progresse au rythme de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Mais votre taxe foncière 2022 dépend surtout des taux votés dans votre ville, intercommunalité ou département : selon une étude du cabinet FSL publiée en mai, 29% des villes et groupements de communes augmentent leurs taux cette année, plus haut score depuis 2016. Une hausse moyenne de 1,9% est à prévoir, soit plus de 5% avec la progression de la valeur locative cadastrale.

Loyers : +5% fin 2022 ?

Les loyers sont revalorisés chaque année à une date prévu dans le bail de location. S'il s'agit du 1er janvier, des hausses de 5% peuvent d'ores et déjà être anticipées selon les projections de l'OFCE. Car l'augmentation annuelle appliquée par les propriétaires se base sur l'indice de référence des loyers (IRL), qui devrait atteindre 5% fin 2022.

INTERVIEW. Retraite, loyer, RSA, APL... Les effets pervers des revalorisations indexées sur l'inflation

(1) Formule détaillée à l'article L161-25 du Code de la sécurité sociale.