Hausse des prix de l'énergie, fin du tarif réglementé du gaz, difficultés à régler les factures, écogestes... Le médiateur de l'énergie, Olivier Challan Belval, livre ses conseils aux lecteurs de MoneyVox pour réduire leurs factures de gaz et d'électricité.

 Olivier Challan Belval, Médiateur de l'énergie
Olivier Challan Belval
Médiateur de l'énergie

La rédaction de MoneyVox a reçu de nombreuses questions de lecteurs suite à la hausse de 15% des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz depuis le début de l'année. Nous en avons relayé plusieurs auprès d'Olivier Challan Belval, le médiateur de l'énergie. Il dirige cette autorité publique indépendante qui a non seulement pour missions de proposer des solutions amiables aux litiges avec les entreprises du secteur de l'énergie, mais aussi d'éclairer les consommateurs sur leurs droits.

Le prix réglementé du gaz a augmenté de 15% en janvier, celui de l'électricité a suivi le même chemin en février. Le bouclier tarifaire est-il la meilleure solution pour protéger le consommateur ?

Olivier Challan Belval : « Le bouclier tarifaire est un mécanisme temporaire mis en place par le gouvernement pour protéger les consommateurs face à la forte augmentation des prix de l'énergie. D'autres mécanismes de protection plus ciblés, comme le chèque énergie classique et trois chèques énergie exceptionnels, ont permis d'apporter une aide supplémentaire aux foyers les plus précaires.

« Cibler les mesures de soutien sur les ménages qui en ont le plus besoin, en augmentant le montant du chèque énergie pour les foyers précaires »

Si les prix de l'énergie venaient à se maintenir à un niveau élevé, maintenir le bouclier tarifaire actuel serait particulièrement lourd pour les finances publiques et il serait nécessaire de réfléchir à des mesures de protection davantage pérennes ; il serait ainsi possible de cibler les mesures de soutien sur les ménages qui en ont le plus besoin, en augmentant le montant du chèque énergie pour les foyers les plus précaires, au besoin en augmentant le plafond de ressources d'éligibilité ; le soutien financier apporté aux autres consommateurs pourrait alors être réduit, permettant un signal prix plus incitatif que le plafonnement actuel à 15% d'augmentation, ce qui pourrait avoir pour effet d'inciter les foyers à faire des efforts de sobriété, à investir dans des équipements d'efficacité énergétique et accélérer la transition énergétique.

Pour autant, il appartient au gouvernement de choisir les mesures qu'il estime favorable au maintien de la protection des consommateurs d'énergie les plus fragiles. »

Gaz et électricité : la hausse de 15% des tarifs pour 2023 en cache-t-elle une autre ?

En 2022, la hausse de 4% du tarif réglementé de l'électricité a été évaluée à 5,4% en réalité, avec des pics à 11% selon le contrat d'après les chiffres de la startup Lite. Celle-ci estime que certains clients verront leur contrat augmenter de près de 20% cette année... Peut-on se satisfaire de cette incertitude ?

O. C-B. : « La hausse de 4% des tarifs réglementés d'électricité en février 2022 est une augmentation “en moyenne” sur une facture TTC. La hausse peut ainsi être plus ou moins élevée selon la puissance et l'option tarifaire. Par exemple, la hausse a été plus importante pour les contrats “base” et moins importante pour les contrats “heures pleines / heures creuses”.

Sur le site énergie-info du médiateur national de l'énergie, des outils ont été mis en place pour permettre aux consommateurs de savoir s'il est avantageux financièrement de changer d'option tarifaire ou d'offres. Au 1er février 2023, la hausse a été de 15% TTC. Il s'agit aussi d'une hausse moyenne ».

Les gagnants et les perdants de la hausse de 15% des tarifs réglementés d'EDF

Du côté des offres indexées sur l'évolution des prix du marché, imaginez-vous le retour en 2023 des fournisseurs qui avaient mis leur activité sur pause en 2022 ?

O. C-B. : « Certains fournisseurs se sont retirés du marché, comme Leclerc Energie. D'autres ont été mis en liquidation judiciaire, comme Bulb ou Planète Oui.

Par ailleurs, compte tenu des prix élevés sur les marchés, certains fournisseurs ont décidé de conserver leurs clients, mais ne proposaient plus d'offres pour recruter de nouveaux clients. Etant donné que les prix sont en baisse en ce moment, il est probable qu'un certain nombre de fournisseurs vont de nouveau proposer des offres. »

« Lorsque les tarifs réglementés du gaz seront supprimés, la Commission de régulation de l'énergie publiera chaque mois un prix référence »

Quel bilan tirer des litiges constatés en 2022 ? Nombre, nature... De nombreux particuliers ont vu leur facture exploser en 2022. Vos services - comme les associations de consommateurs - ont dénoncé les pratiques de certains fournisseurs. A quel rythme êtes-vous saisi actuellement ?

O. C-B. : « En 2022, le nombre de litiges reçus par les services du médiateur national de l'énergie est resté stable par rapport à 2021 (environ 30 000 litiges reçus). Cependant, nous avons observé, en même temps qu'une baisse de certains types de litiges, une hausse des litiges concernant les prix/tarif, qui est passée de 8% des litiges en 2021 à 16% en 2022. »

Comment garantir la protection du consommateur avec la fin des TRV en gaz en juin ? Un bouclier tarifaire peut-il exister sans TRV ? Existe-t-il un moyen de ne pas revenir en arrière pour le gouvernement tout en garantissant la sécurité contractuelle des clients ?

O. C-B. : « Actuellement, le bouclier tarifaire limite l'augmentation des tarifs réglementés du gaz, ainsi que des offres à prix indexé sur ces tarifs. Les tarifs réglementés de gaz ont été bloqués de novembre 2021 à décembre de 2022 ; ils viennent d'augmenter de 15% (en moyenne) au 1er janvier 2023. Sans bouclier tarifaire, la hausse aurait été de 60%.

« Sans bouclier tarifaire, la hausse des prix du gaz aurait été de 60% »

Lorsque les tarifs réglementés de gaz vont être supprimés, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) publiera chaque mois un “prix de référence”. Son mode de calcul, qui a été défini par la Commission de régulation de l'énergie, est proche de celui des tarifs réglementés de vente de gaz. Il sera possible de continuer à appliquer le bouclier tarifaire en se appliquant une remise par rapport à ce prix de référence. »

Craignez-vous que les offres de marché proposées dès juillet soient défavorables aux particuliers ?

O. C-B. : « Lorsque les prix de marché étaient bas, les fournisseurs proposaient des offres moins chères que les tarifs réglementés. Actuellement, le prix des offres de marché proposé à la souscription est de même niveau ou plus élevé que les tarifs réglementés. Lors de la suppression des tarifs réglementés de gaz, le prix des offres proposées par les fournisseurs sera très probablement fixé avec une indexation sur ce “prix de référence” publié par la Commission de régulation de l'énergie. »

« Il faut comparer les offres qui sont proposées par les fournisseurs »

Gaz, électricité... Quels conseils donner aux particuliers pour les mois à venir ?

O. C-B. : « Le premier conseil à donner aux consommateurs avant de changer d'offre est de toujours vérifier le prix de son contrat en cours et de comparer les offres qui sont proposées par les fournisseurs.

Pour ce faire, je conseille aux consommateurs de se rendre sur le comparateur d'offres qui a été mis en place depuis une dizaine d'années sur le site du médiateur national de l'énergie, et qui recense, de manière neutre et impartiale, toutes les offres disponibles. Je rappelle que le changement de fournisseur est gratuit, et qu'aucun frais ne peut être facturé pour un consommateur lors d'un changement de fournisseur.

« Le changement de fournisseur est gratuit »

Le deuxième conseil que je voudrais donner aux consommateurs est de toujours lire les messages qui sont envoyés par leur fournisseur. En effet, les fournisseurs ont le droit de modifier le prix ou les conditions des contrats en cours (article L. 224-10 du code de la consommation), à la condition de prévenir le consommateur un mois à l'avance ; lorsque l'information donnée par le fournisseur n'est pas suffisamment claire et compréhensible, je recommande systématiquement que la facturation soit établie sur la base des prix antérieurs.

Le troisième conseil que je peux donner aux consommateurs d'énergie est de réduire leur consommation par des gestes simples, systématiques, de tous les jours, comme de toujours éteindre la lumière ou de baisser le chauffage en quittant une pièce.

Mais je voudrais également insister sur l'efficacité, lorsque c'est possible de faire des travaux de rénovation énergétique, tels qu'isolation ou choix d'un mode de chauffage plus performant. Il existe des aides financières pour ce type de travaux ; les “espaces France Rénov” peuvent vous renseigner.

« Diminuer sa consommation au moment des pics, notamment entre 18h et 20h le soir »

Dernier conseil à donner : chacun doit faire des efforts pour éviter les tensions sur le système électrique, notamment en hiver ; il faut donc diminuer sa consommation au moment des pics de consommation, notamment entre 18h et 20h le soir, et, notamment, ne pas lancer une machine à laver ou faire du repassage ! Je rappelle que pendant ces pics de consommation, ce sont des moyens de production d'électricité les plus polluants qui doivent être appelés en plus des moyens habituels. »

Hausse des tarifs EDF et Engie : cet écogeste qui fait ses preuves pour réduire votre facture

Que faire si l'on a des difficultés à payer ses factures d'énergie ?

O. C-B. : « Si un consommateur rencontre des difficultés financières, je lui conseille dans un premier temps de contacter son fournisseur d'énergie pour lui expliquer ses difficultés et solliciter un échéancier de paiement. Par ailleurs, il peut aussi contacter les services sociaux de sa commune qui peuvent l'aider à trouver une solution, notamment faire une demande au fonds de solidarité logement (FSL).

Je signale que j'ai proposé une réforme de ce fonds de solidarité logement, pour qu'il soit directement financé par l'Etat, plutôt que de passer par un financement d'abord par les fournisseurs, qui ensuite sont compensés par l'Etat. »

Que se passe-t-il si je ne paye pas ma facture d'énergie ?